For a better browsing experience and to benefit from all the features of credit-agricole.com, we advise you to use the Edge browser.
  • Text Size
  • Contrast
« Les feuilles mortes de la bourse » : zoom sur la collection de titres boursiers déchus des Archives historiques - groupe et banque credit agricole france

Depuis plus de trente ans, les titres financiers sur papier ont perdu leur valeur*. Pionnière en matière de dématérialisation, la France oblige leurs détenteurs, au début des années 1980, à inscrire leurs titres sous forme d’écritures comptables dans les registres des banques ou intermédiaires financiers, contribuant ainsi à éliminer le papier. Ces « feuilles mortes de la bourse », pour reprendre une expression de journaliste, n’ont plus alors de valeur que pour les collectionneurs mais restent des témoignages visuels importants, et parfois uniques, d’entreprises aujourd’hui disparues.

La révolution industrielle du 19e siècle en toile de fond

Si on peut faire remonter les premiers échanges de titres financiers aux 13e et 14e siècles, c’est bien l’essor industriel du 19e qui permet le développement de ces moyens de financement des entreprises. Les grandes compagnies de percement de canaux, de construction de chemin de fer et de mines de charbon, en France, ont ainsi été pionnières pour l’émission d’actions et obligations. La loi de 1867 sur les sociétés anonymes donne cependant un coup d’accélérateur : de nombreuses sociétés se créent et celles-ci fractionnent de plus en plus leur capital, permettant ainsi à un plus grand nombre d’investisseurs d’acheter des titres financiers.


Action de 100 francs de la Société minière Joltaïa-Rieka. Il est difficile de savoir si les illustrations sont génériques ou si elles reflètent bien l’équipement de ces usines russes (Archives historiques de Crédit Agricole SA, collection Crédit Lyonnais).

C’est dans cet environnement que le jeune Crédit Lyonnais, créé en 1863, évolue. Très tôt, il dispose de services de conservation de titres. Celui du siège parisien, 19 boulevard des Italiens, occupe une grande partie des sous-sols avec 13 kilomètres linéaires de tablettes de stockage et seul le personnel autorisé peut y accéder par une unique porte en acier. Le but de ce service est de conserver les titres que la clientèle remet en dépôt au Crédit Lyonnais et d’accomplir pour elle tous les actes nécessaires à leur gestion (remboursement des obligations amorties, détachement des coupons, estampillage des titres convertis, échanges, annonces des assemblées générales cotées…). La particularité de ce service était qu’il était essentiellement féminin : selon les préjugés de l’époque, on estimait en effet que les opérations manuelles de découpage des coupons nécessitaient de la minutie et qu’elles étaient donc plus aisées pour les femmes. De plus, comme il n’était pas encore question de mettre celles-ci en contact direct avec la clientèle, ce type d’emploi, mal rémunéré, leur était plus spécifiquement réservé.

La collection des Archives historiques

Les Archives historiques de Crédit Agricole SA ont dans leur périmètre de gestion les documents historiques et les collections de LCL, héritier du Crédit Lyonnais. Lors des opérations de déménagement des locaux de Bayeux, en Normandie, une importante opération de tri et d’échantillonnage de titres anciens a été réalisée pour créer une collection d’environ 7 000 éléments. Ce reliquat de titres déchus, en phase d’inventaire, regroupe actions, obligations, parts sociales et parts de fondateurs, tous titres financiers ouvrant des droits différents à leurs détenteurs.


Action de 500 francs de la société La Kotto. Celle-ci a été formée en 1907 pour exploiter une concession au Congo français. Les illustrations du titre sont typiques de celles employées par les entreprises coloniales de l'époque (Archives historiques de Crédit Agricole SA, collection Crédit Lyonnais).

L’intérêt de cette collection est qu’elle couvre d’importantes zones géographiques : les emprunts d’Etat de villes y sont bien représentés (Etats-Unis, Chine, Russie, France…) et, du fait de l’époque concernée (fin 19ème siècle – fin des années 1930), les territoires coloniaux sont très présents. Les filières économiques les plus diverses sont aussi représentées : agriculture, mines, transports, assurances, énergie, cinéma, hôtels, comptoirs coloniaux… Enfin, pour certaines entreprises, il s’agit peut-être du dernier document attestant de leur existence, comme cette action de 100 francs de la Société départementale des récupérations pour agglomérés (SDRA) dont on peine à identifier l’activité.

Un réservoir d’images… dont on peut se méfier

A partir de 1850, les titres boursiers sont imprimés sur papier de couleur. Les titres français se distinguent en étant plus souvent décorés que les titres étrangers. Entrelacs de lignes, feuilles d’acanthe ou d’olivier, colonnes, cariatides et figures géométriques encadrent la plupart du temps le nom de l’entreprise. Des vignettes sensées illustrer l’activité de cette dernière sont souvent présentes. Il est cependant difficile de les prendre pour des témoignages dignes de foi : on peut douter que l’illustrateur ait toujours eu accès aux usines ou aux machines représentées. De même, pour les titres d’entreprises coloniales, leurs illustrations se contentant le plus souvent de perpétuer les clichés en cours : animaux exotiques, cases en palmier, végétation luxuriante et habitants peu vêtus montrent un monde n’attendant que sa mise en valeur par l’industrie européenne.


Action de 100 francs de La Fourmi immobilière, illustrée par Charles Crabbe. A gauche, l'allégorie de l'industrie fait face à celle du commerce, représenté par le dieu Hermès. La miniature en haut à gauche est une illustration humanisée d’une fable de La Fontaine : la fourmi chasse la cigale et sa guitare (Archives historiques de Crédit Agricole SA, collection Crédit Lyonnais).

Il faut également signaler que des peintres ou graveurs célèbres ont pu exercer leurs talents sur ces supports. Les scripophiles, comme on appelle les collectionneurs de titres boursiers anciens, sont particulièrement à la recherche de ceux illustrés par Alphonse Mucha, Marcel Duchamp, Charles Crabbe ou Hercule Catenacci. En l’état actuel de l’inventaire de la collection du Crédit Lyonnais, seule une action illustrée par Charles Crabbe a été répertoriée mais, qui sait, de nouvelles belles trouvailles ne sont pas à exclure…

Source de cet article :

Nicolas Gueugneau, "La stratégie de conservation et de valorisation des financiers-papiers du Crédit Lyonnais" in Hubert Bonin et Laure Quennouëlle-Corre (dir.) , Explorer les archives et écrire l'histoire : autour de Roger Nougaret, Droz, 2022, pp. 199-215.

If you wish to exercise your right to object to the processing of personal data for audience measurement purposes on our site via our service provider AT internet, click on refuse