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Les Polonais se sont rendus aux urnes le 15 octobre dernier à l’occasion des élections législatives. Alors que le parti PiS (Droit et Justice), au pouvoir depuis 2015, arrivait en tête des intentions de vote d’après les sondages, l’issue du scrutin a réservé de bonnes surprises. 

La première surprise fut le taux de participation exceptionnel de 74,4% : du jamais vu depuis la chute du système communiste. Une telle ampleur de la mobilisation de la société civile traduit non seulement le retour en puissance du politique dans les préoccupations des Polonais, mais aussi une très forte polarisation des opinions publiques. C’est la principale caractéristique de ce scrutin, qui s’est déroulé dans une atmosphère de fortes tensions entre les partis politiques. La campagne électorale de PiS a fortement renforcé cette polarisation en instaurant une scission entre les Polonais urbains et ceux des campagnes (lesquels sont, historiquement, les principaux électeurs de PiS), en mettant en quasi-opposition leurs intérêts et leurs engagements sociétaux. Les multiples attaques personnelles contre Donald Tusk, le chef du parti de l’opposition Plateforme Civique, ont également contribué à ce clivage.

De plus, PiS a structuré son discours politique autour des questions de Défense, avec un lancement de projets très ambitieux de militarisation qui positionneraient la Pologne à la troisième place de l’Otan, en termes de dépenses militaires rapportées au PIB et d’effectifs employés, après les États-Unis et la Turquie. La menace d’extension du conflit russo-ukrainien, bien que réelle et avec des impacts potentiels très significatifs, a été largement instrumentalisée, en créant un climat de tensions et de peur ‒ surtout pour les régions frontalières. 

La confrontation de Varsovie avec les Institutions de Bruxelles était encore une fois au cœur de la campagne du gouvernement sortant, avec sa rhétorique d’opposition aux valeurs d’ouverture en termes de politique migratoire ou encore de protection des droits des minorités versus un schéma de société très traditionnelle défendu par les dirigeants du PiS. 

Ces discours, par ailleurs assez agressifs et clivants, ont provoqué une certaine lassitude électorale avec la naissance d’un sentiment de fatigue des citoyens, excédés que leur pays se retrouve toujours dans une position conflictuelle avec le reste de l’Europe. Sans trop généraliser le phénomène, il y a là peut-être un signal, certainement faible mais bien présent, d’une limite des régimes illibéraux. Leur posture et leur rhétorique sans cesse conflictuelles provoquent chez les électeurs une lassitude et un certain pessimisme qui les empêchent de se projeter vers l’avenir, surtout pour les plus jeunes. Par ailleurs, la grande expérience politique de Donald Tusk a aussi été un atout majeur pour l’ensemble des partis d’opposition dans le déroulement de la campagne électorale, très déséquilibrée en termes de couverture médiatique. 

Bien que PiS ait obtenu le score le plus élevé (38% des voix), la majorité des votes se sont tournés vers les partis d’opposition, qui devraient constituer une coalition majoritaire. La tâche n’est pas aisée car des divergences significatives entre les différentes formations demeurent, notamment sur le droit à l’avortement, qui était l’une des principales promesses de la Plateforme civique. Toutefois, les ouvertures attendues concernant la liberté de la presse ou l’indépendance de la justice sont des questions qui vont fédérer les efforts de l’opposition. 

Ce scrutin a également une importance majeure dans la normalisation et l’amélioration des relations entre Varsovie et Bruxelles. La Pologne ne devrait plus bloquer ou ralentir les processus de décisions européens, bien au contraire, elle devrait se rapprocher de la France et de l’Allemagne et être davantage moteur dans les avancées européennes. 

Les réformes judiciaires, une fois réalisées, devraient ouvrir la voie au déblocage de l’enveloppe européenne, si nécessaire à la réalisation des transformations industrielles en vue de la transition énergétique et climatique de la Pologne. 
Cependant, il reste encore des freins à la réalisation des promesses électorales. Le premier est la présidence du chef de l’État polonais, Andrzej Duda, un fidèle du PiS, qui aura, encore pendant une année, le pouvoir de bloquer les nouvelles législations après la création du nouveau gouvernement. 

Par ailleurs, la mise en place de cette coalition risque de prendre du temps (probablement plus de deux mois), en raison des délais administratifs. 
Il ne faudrait en outre pas sous-estimer les modifications profondes à l’œuvre depuis 2015 ni les membres du PiS qui dirigent les principales institutions, les médias ou encore les entreprises publiques. Détricoter ce qui a été érigé avec beaucoup de détermination par PiS risque d’être très difficile et chronophage. La solidité de la coalition devra faire ses preuves dans un contexte plutôt fragile et semé d’embûches. 

Du point de vue économique, nous n’attendons pas de modifications majeures dans le très court terme car toutes ces réformes risquent de prendre du temps et les budgets pour l’année 2024 ont déjà été préparés. En revanche, le climat des affaires et la confiance des investisseurs devraient largement s’améliorer si la transition gouvernementale se fait de manière démocratique et paisible. 
Pour le moment rien ne nous empêche de nous réjouir de cette bonne nouvelle pour la démocratie libérale en Europe.
 

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