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La flambée des cours de l’huile de palme en Indonésie illustre bien les effets indirects (ou « de second tour ») qu’une crise – en l’occurrence celle de la guerre en Ukraine – peut avoir sur une économie pourtant éloignée, dont la structure des échanges est peu liée à la zone de conflit.

Elle met en lumière les comportements de consommation, les chaînes de valeur et la complémentarité ou substituabilité de certains produits. Car le phénomène de contagion ne s’arrête pas à l’Indonésie mais touche maintenant ses clients, Inde et Chine en première ligne, importateurs massifs de son huile de palme. Les dommages collatéraux du conflit sont encore loin d’être totalement visibles, et encore moins maîtrisés. 

Les marchés se sont emballés la semaine dernière, après que le gouvernement indonésien a annoncé le 22 avril un embargo surprise sur les exportations d’huile de palme, dont le pays est – de loin – le premier exportateur mondial. La tonne s’échangeait ainsi au-dessus de 1 700 dollars à la bourse de Kuala Lumpur (contre 1 300 au début de l’année), tandis que la roupie indonésienne, pourtant relativement épargnée par les pressions sur les devises émergentes, dépassait les 14 400 roupies pour un dollar (14 250 en janvier). 

Le cours de l’huile de palme avait déjà commencé à augmenter avant le conflit, mais s’est envolé en mars en raison du blocage des exportations ukrainiennes d’huile de tournesol. En janvier, le gouvernement avait déjà imposé aux producteurs de réserver 20% de leur production au marché intérieur et instauré un blocage des prix ; ce quota a été porté à 30% en mars puis remplacé par une taxe sur les exportations. Mais, à l’approche de la fin du Ramadan et de ses célébrations, durant lesquelles la demande en huile de cuisine augmente fortement, le président Joko Widodo, surnommé Jokowi, n’a voulu prendre aucun risque et décrété l’embargo. Il souhaite que l’huile de cuisine se stabilise autour de 14 000 roupies par litre, un niveau de 30% inférieur à son prix actuel. 

Une inflation contrôlée grâce aux subventions

Comparativement au reste du monde, les pressions inflationnistes sont restées contenues en Indonésie. La hausse de l’indice des prix a accéléré, passant de 2,1% sur un an en février à 2,6% en mars, un niveau très proche de celui de l’inflation sous-jacente (2,4% en mars), qui reste dans la cible de la banque centrale (3% ±1%) et avait permis à cette dernière de ne pas relever son taux directeur (4%) malgré le resserrement monétaire américain. 

Ce résultat est en réalité dû à une politique de subventions et de contrôle des prix, tant sur l’énergie (charbon, pétrole), que sur l’alimentation (huile de cuisine, sucre, soja, œufs). Une politique, jusqu’ici financée par la hausse des cours des matières premières exportées (charbon, huile de palme, métaux), qui a permis de consolider les réserves de change (qui couvrent environ huit mois d’importations) et d’atteindre un excédent commercial record (39 milliards de dollars). 
Le blocage des exportations d’huile de palme (environ 10% des exportations indonésiennes totales) prive donc les producteurs – et surtout l’État – d’une manne de devises étrangères importante, alors que l’Indonésie dépend aussi de l’extérieur pour certaines matières premières (pétrole, soja et blé notamment). 

Un impératif : la règle d’or budgétaire

L’équation est donc difficile à résoudre pour le président Jokowi, dont la cote de popularité est en forte baisse et qui doit composer avec une multitude de contraintes. À supposer que le blocage des exportations soit insuffisant pour faire baisser le prix de l’huile ou que l’inflation surgisse via d’autres canaux, la politique de subvention pourrait aussi se heurter aux principes budgétaires, inscrits dans la loi indonésienne, qui établissent la règle d’or (le niveau que le déficit budgétaire ne peut dépasser) à 3% du PIB. 
Une entorse avait été faite en 2020 pour financer les mesures exceptionnelles liées au Covid-19, mais la loi de finances prévoit un retour du déficit sous les 3% à horizon 2023. Ce dernier s’élevait à 4,65% du PIB en 2021, très en-dessous de l’estimation officielle de 5,7%, en raison d’une forte accélération des recettes, justement liée au secteur exportateur. 
Or, les investisseurs surveillent de près ce pays, longtemps considéré comme un « usual suspect » depuis la crise de 1997 et le rééchelonnement de la dette publique et privée. Gare aussi à une utilisation un peu trop laxiste de la politique monétaire (financement monétaire du déficit) qui avait, lors du Covid-19, suscité les interrogations des analystes. Le but du gouvernement est ainsi d’éviter à tout prix la mise en place d’un cercle vicieux dans lequel un renversement de la balance commerciale conduirait à de fortes pressions sur le taux de change nécessitant une intervention de la banque centrale. 
Relativement moins endettée que ses voisins, avec une dette publique et une dette externe autour de 40% du PIB, l’Indonésie n’est pas le pays le plus exposé à un tel retournement. Il n’empêche que ce scénario catastrophe fragiliserait cette économie qui porte encore les stigmates des crises du passé. 

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