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Scénario économique

Marché du travail tendu, « sur-épargne » entamée mais encore abondante, rattrapage de la consommation de services, sorte de queue de comète de la reprise post-Covid : tels sont les principaux facteurs qui ont soutenu l’expansion au-delà des attentes. Couplés aux bilans globalement sains des agents privés, ils ont permis à la croissance de bien mieux résister que ce que faisaient craindre la forte accélération de l’inflation et le resserrement violent des conditions monétaires...

Au moment où ce dernier va imprimer plus douloureusement sa marque, où les soutiens largement hérités de la reprise post-pandémie s’effritent, c’est la poursuite de la désinflation qui permet de tabler sur un essoufflement, non un effondrement, de la croissance. Et cette hypothèse n’est pas exempte de risques, comme en témoigne le rebond des prix du pétrole depuis l’été : ce rebond motivé par la réduction de production initiée par l’Arabie saoudite signale qu’en l’absence d’offre concurrente, l’OPEP+ reste maître des cours du pétrole..

 

C’est la poursuite de la désinflation qui permet de tabler sur un essoufflement, non un effondrement, de la croissance.

 

Primus inter pares (même si ce statut lui est contesté), la résistance de l’économie américaine a continué de surprendre au point d’afficher une vigueur difficilement soutenable : le consommateur en a, comme toujours, été le principal artisan et ses forces déclinent. L’épargne excédentaire accumulée aux pics de la pandémie (estimée à 2 300 milliards de dollars, soit environ 10% du PIB, en mars 2021) aurait diminué de moitié. Après s’être progressivement replié, passant même dès septembre 2021 sous son niveau pré-crise (moyenne 2017-2019 proche de 8% du revenu), le taux d’épargne semble stabilisé, mais à un niveau très faible. Par ailleurs, le marché du travail, certes encore solide, envoie des signaux de refroidissement : ralentissement du rythme des embauches, forte baisse des offres d’emploi, croissance plus faible des salaires, taux de démission en recul sensible, redressement du taux de participation. Un recours accru aux cartes de crédit. Enfin, l’encours des crédits renouvelables a atteint un niveau record : les impayés sont en hausse et sa croissance a déjà commencé à ralentir.

 

Récession, entendue au sens de deux trimestres consécutifs de contraction du PIB, ou non ? Telle est la question qui permet de statuer sur la nature de l’atterrissage. Dans sa version « authentique », sans récession, l’atterrissage en douceur ne peut être exclu. Notre scénario central envisage cependant une très légère récession à la charnière des années 2023-2024. L’atterrissage en 2024 ne serait pas violent : la croissance moyenne atteindrait 2,1% en 2023, une performance très honorable, avant un ralentissement à 0,7% en 2024 pour une inflation moyenne poursuivant son net repli (4,2% et 2,7% respectivement en 2023 et 2024, après 8% en 2022).

 

En zone euro, le ralentissement est déjà patent. À l’affaiblissement de la demande mondiale, clairement lisible sur la contre-performance des exportations, se superposent les effets néfastes d’un double choc : la hausse des prix des matières premières en 2022 et l’impact, plus précoce et plus significatif qu’attendu, de la hausse des taux d’intérêt. Ces chocs affectent très différemment les grandes économies de la zone euro dont ils rendent la lisibilité conjoncturelle complexe. Mais, globalement, la brutalité (ou la douceur) de l’atterrissage dépendra des effets conjugués de deux forces opposées : transmission progressive du resserrement monétaire le plus violent que la zone euro ait connu contre renforcement de la dynamique désinflationniste attendu dès le quatrième trimestre 2023 et portant l’inflation moyenne de 5,6% en 2023 à 3% en 2024 (après 8,4% en 2022). Avec un pic de la transmission monétaire en 2023 et une activité seulement stable au cours de la seconde moitié de l’année, la croissance moyenne se situerait à 0,5%, après 3,4% en 2022. Le scénario de redressement modeste de la croissance (0,9% en 2024) s’appuie sur la seule demande interne : il repose sur la consommation, profitant des gains de pouvoir d’achat liés à la désinflation et de l’ajustement décalé des salaires nominaux à celle de l’inflation passée.

 

Dans l’univers émergent, malgré le ralentissement de la croissance dans les pays développés, une croissance globalement satisfaisante, sans être impressionnante, se dessine : un scénario assorti d’un niveau élevé d’incertitude. Au titre des facteurs de risques figure, tout d’abord, celui de taux d’intérêt américains restant « plus élevés, plus longtemps », une contrainte spécifique et coûteuse pour la sphère émergente. S’ajoute ensuite le risque lié à un ralentissement de la désinflation susceptible de perturber les assouplissements monétaires envisagés ou déjà amorcés par des banques centrales soucieuses de ne pas abîmer leur crédibilité. Mais, le principal risque reste la Chine : la faiblesse de la reprise tant attendue a déçu et la capacité de la Chine à soutenir (ou non) la conjoncture suscite de nombreuses interrogations. Les autorités chinoises ont déjà mis en œuvre deux grands types de mesures : elles ont, d’une part, assoupli très prudemment les conditions monétaires et, d’autre part, pris des mesures en faveur du secteur de l’immobilier. Ces actions commencent à porter leurs fruits : notre scénario retient une stabilisation de la croissance à un niveau encore satisfaisant quoique relativement faible au regard des performances passées (5,1% et 4,5%, respectivement, en 2023 et 2024 après 3% en 2022). Mais, le risque d’une réponse contra-cyclique insuffisante ou inadaptée, ne parvenant pas à stabiliser les anticipations de croissance et à rétablir la confiance, demeure. Et, avec lui, celui d’une faiblesse prolongée de la demande et d’une correction du secteur immobilier assorties d’un impact négatif durable sur la croissance.

 

En termes de politique monétaire, les grandes banques centrales ne sont pas disposées à baisser la garde. À l’issue de resserrements monétaires massifs, et bien que toujours éloignées de leurs cibles d’inflation, les banques centrales ont, en effet, récemment opté pour le mode « pause ». Hors surprise désagréable sur l’inflation impliquant un resserrement supplémentaire, cette pause se prolongerait, maintenant les taux directeurs à des niveaux élevés : il serait déraisonnable de parier sur des baisses rapides

 

La Fed a maintenu le taux des Fed funds (borne haute) à 5,50% en septembre, mais publié un dot plot suggérant une baisse de seulement 50 points de base de son taux directeur en 2024 et non plus de 100. Cela vient valider le risque de taux restant « plus élevés, plus longtemps » et confirme que la Fed souhaite éviter un assouplissement prématuré des conditions financières. Notre scénario central continue de tabler sur une longue pause suivie de baisses à partir de juin, abaissant la borne supérieure des Fed funds à 4,75% fin 2024. Les risques restent toutefois majoritairement orientés vers une évolution plus hawkish : une nouvelle hausse au quatrième trimestre 2023 ne peut être exclue. Dans la zone euro, si le risque d’une dernière hausse ne peut être ignoré, notre scénario retient néanmoins le maintien par la BCE de ses taux à leur niveau actuel (taux de refinancement à 4,50%) jusqu’à la fin de l’été 2024 au moins. Bien qu’elle envisage de poursuivre ces réinvestissements jusque fin 2024, la BCE pourrait, en outre, décider d’accélérer son quantitative tightening en cessant ses réinvestissements dans le PEPP au début de l’année 2024.

 

Résistance de l’inflation, de la croissance et resserrements monétaires déterminés ont naturellement fait se redresser brutalement les taux obligataires. Un scénario de repli modeste se dessine aux États-Unis et table sur des taux souverains à dix ans proches de 4% fin 2023, puis 3,50% fin 2024. Un scénario de baisse sensible semble, en revanche, prématuré dans la zone euro où la BCE, dont la politique est clairement restrictive, pourrait s’atteler à une réduction plus rapide de son bilan. Le Bund se situerait ainsi vers 2,60% fin 2023 et fin 2024. Enfin, le thème du « sourire du dollar » reste d’actualité. La résistance de l’économie américaine, la détermination de la Fed, un différentiel de taux d’intérêt favorable et des épisodes d’aversion au risque : tout continue de conférer au dollar un attrait indiscutable à très brève échéance. 

 

Consulter notre publication Monde – Scénario macro-économique 2023-2024 : un équilibre délicat – 6 octobre 2023

 

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