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Portraits de femmes

Tous les 11 octobre, les Nations Unies soulignent l’importance de promouvoir l’éducation des jeunes femmes, de mettre en avant leurs réalisations, de les encourager à prendre des responsabilités et de valoriser le leadership féminin. Un des défis à relever est également de rendre l’action des femmes plus visibles. Dans le domaine historique, ildu est vrai que ce sont surtout les hommes qui sont mis en avant. Pourtant, en prenant l’exemple du Crédit Agricole, on peut voir que les femmes sont présentes aux grandes étapes de son développement, qui recoupent souvent de grands moments de l’histoire de France. Dans un récit très souvent masculin, voici donc le portrait de quatre femmes qui ont joué un rôle important, et parfois décisif, dans l’histoire du Groupe, que ce soit localement ou nationalement, de la Première Guerre mondiale aux développements de la finance française dans les années 1970 et 1980.

Madame Trouvé remplace son mari

Il faut remonter à la Première Guerre mondiale pour trouver la trace de l’action d’une femme dans l’histoire du Crédit Agricole. Son rôle est resté local mais a été très important pour la Caisse régionale de Seine-et-Oise (aujourd’hui comprise dans celle d’Île-de-France). Au début de la Grande guerre, la Caisse de Seine-et-Oise n’a qu’une dizaine d’années d’existence. Son directeur, Léon Trouvé, est un agriculteur à qui on a demandé de tenir la comptabilité. Il est mobilisé dès le début de la guerre. Comme à cette époque il paraît avoir été le seul employé de la Caisse, celle-ci risquait alors de cesser de fonctionner.
 


C’est donc son épouse, dont le prénom ne nous est pas parvenu, qui prend la relève pendant la durée du conflit. Quasi dépourvue de personnel, la caisse régionale était aussi sans locaux puisque le bureau était domicilié chez le couple. Madame Trouvé se charge alors d’écrire aux nombreuses femmes d’emprunteurs, des agriculteurs mobilisés, pour obtenir le remboursement des crédits et évite ainsi la banqueroute de la Caisse régionale. Cet intérim semble avoir duré jusqu’à la fin de la guerre lorsque Léon Trouvé retrouvera son poste, qu’il conservera jusqu’en 1930.

Cette situation n’a pas été unique dans l’histoire du Crédit Agricole. On trouve ainsi un autre exemple, dans le Var, où une certaine madame Fert a remplacé son mari, président de la Caisse locale de Montfort, lui aussi mobilisé. Rappelons qu’à cette époque, légalement, les femmes mariées ne pouvaient pas ouvrir un compte en banque, ni même exercer une profession, sans l’autorisation de leur époux. Il faudra attendre une loi de 1965 pour que les choses changent. Cependant, comme les deux exemples ci-dessus le montrent, les femmes n’ont pas attendu le législateur pour acquérir des compétences financières, ne serait-ce que pour gérer les comptes du ménage. 

 

Louise Tallerie, première directrice générale d’une caisse régionale

Si madame Trouvé n’a pas vu son rôle officialisé, ce n’est pas le cas de Louise Tallerie. Celle-ci est veuve depuis 1917, son mari ayant été tué sur le front. Tout d’abord employée en 1919 par l’Office de reconstitution agricole des régions envahies, elle y devient rapidement cheffe d’un service d’une vingtaine de personnes. En 1921, elle change d’employeur et entre à la Caisse régionale des Ardennes, nouvellement créée, comme secrétaire générale. Son action est appréciée et reconnue et, dès 1927, elle est nommée directrice de la Caisse régionale. Elle est alors la première femme à occuper ce poste et elle le restera très longtemps. En effet, il faudra ensuite attendre près de 80 ans, en 2009, pour qu’une deuxième femme soit à nouveau nommée. Il s’agissait alors de Véronique Flachaire pour la Caisse régionale de Charente-Maritime – Deux-Sèvres.

Consciente d’être une pionnière et convaincue que les femmes doivent prendre plus de place dans les entreprises, Louise Tallerie s’attache à féminiser le recrutement de la Caisse régionale et, surtout, elle veille à la formation de ses collaboratrices. Lorsque l’occasion se présente, elle n’hésite pas non plus à leur confier des postes à responsabilité : en 1942, en pleine guerre, elle nomme à la direction du premier bureau auxiliaire de la Caisse régionale la veuve du secrétaire de la Caisse locale de Rethel.

Cependant, c’est surtout le souvenir de son épopée pour sauver les papiers de la Caisse régionale qui nous est parvenu. Au printemps 1940, devant l’avancée de l’armée allemande, Louise Tallerie évacue avec sa fille toute la comptabilité de la Caisse régionale : les liasses de papier, les dossiers et les livres de comptes sont mis dans une voiture qui prend la route de l’exode. Passées par l’Aisne, Paris et l’Indre, c’est dans le Limousin qu’elle et sa fille apprennent la capitulation de l’armée française en juillet 1940. Elle rejoint alors la Caisse nationale pour solliciter un ordre de mission qui lui permettra de rejoindre Charleville-Mézières et de remettre en ordre la comptabilité de la Caisse régionale des Ardennes. En protégeant ces papiers d’une possible destruction, ce sont les avoirs des agriculteurs ardennais qu’elle a sauvés. 

 

Louise Tallerie reste ensuite à son poste jusqu’en 1956, cumulant ainsi près de trente années de direction générale. Son souvenir a un temps été perpétué dans les années 2010 avec le Prix Louise Tallerie destiné à favoriser l’ambition professionnelle des étudiantes et à les encourager à faire valoir leurs compétences et leur sens de l’innovation.

 

Madeleine Landy-Degon et les prémices de l’internationalisation du Crédit Agricole

Sur les routes de l’exode, Louise Tallerie a peut-être croisé sa collègue Madeleine Landy-Degon. Celle-ci est entrée en 1931 à la Caisse nationale. Brillante, elle suit en parallèle des cours à l’Institut des hautes études internationales et rédige un mémoire consacré à l’histoire et à l’organisation du Crédit Agricole. Elle le présente au Prix Rossi d’économie politique de l’Institut de France et est, en 1936, l’unique lauréate de ce prix – un usage précédent voulait qu’il soit partagé entre plusieurs – ainsi que la première femme à en être récipiendaire. Un ouvrage en est tiré, intitulé Le Crédit agricole : sources, formes, caractères et fonctionnement en France et dans les principaux pays. Après-guerre, il sera le livre de chevet de nombreux cadres désireux de se former.

La guerre, cependant, pousse le personnel de la Caisse nationale à se replier à Blois. Ce n’est pour Madeleine Landy-Degon qu’une péripétie parmi d’autres dans cette époque troublée. Elle choisit en effet de se mettre en disponibilité et de partir avec son mari dans l’Aude pour reprendre une exploitation agricole. Celle-ci va servir de couverture pour accueillir de nombreux résistants, notamment des opposants allemands fuyant leur pays – germaniste, Madeleine Landy-Degon entretient depuis les années 1930 des relations amicales dans les milieux pacifistes internationaux. Elle participe également à la diffusion de la presse clandestine de la Résistance. Après-guerre, elle s’implique dans la création du journal La République du Sud-Ouest et assiste, comme correspondante, au Procès de Nuremberg.

L’année 1950 la voit cependant réintégrer la Caisse nationale de Crédit Agricole. Durant quinze ans elle occupe différentes fonctions au sein du service des études et de documentation. Enfin, en 1965, sa connaissance des langues et ses études internationales permettent au Crédit Agricole de créer une unité de renseignements commerciaux et de mettre en place les premières relations commerciales internationales du Groupe. Madeleine Landy-Degon est donc une pionnière pour le Crédit Agricole qui cherche alors à accompagner ses clients agri-agro dans leur développement à l’étranger. Ce n’est pas encore la constitution d’un réseau de succursales – la première implantation hors de France se fera à Chicago en 1979 – mais cette première entité en a ouvert la voie.

Elle prend ensuite sa retraite en 1972 et repart dans l’Aude exploiter son domaine agricole. Elle décède en 2015, à 103 ans, après avoir aussi pris le temps de publier un livre de contes audois.

 

Monique Bourven, « Notre Dame des SICAV »

À l’heure où Madeleine Landy-Degon quitte la Caisse nationale, une de ses jeunes collègues commence à monter les échelons. Monique Bourven a d’abord suivi des études d’histoire dans le but d’être enseignante. Après une première expérience à Narbonne, elle bifurque en 1968 vers l’Institut d’études politiques de Paris, à une époque où les femmes étaient sous-représentées dans cette filière. Elle ne se simplifie d’ailleurs pas la tâche en choisissant la section économie et finance, section qui est alors la moins mixte de tout Sciences po. Elle se passionne pour le métier d’agent de change alors qu’aucune femme n’a encore pu être admise dans cette profession.

En 1969, elle entre à la Caisse nationale de Crédit Agricole comme analyste financière. Elle évolue régulièrement dans l’organigramme : cheffe de la division d’analyse financière en 1972 ; cheffe du service des valeurs mobilières en 1977 ; adjointe en 1982 puis cheffe du département des marchés financiers et titres en 1985 ; directrice des marchés de capitaux de la Caisse nationale en 1987 et directrice de la filiale Segespar-Titres. Elle est enfin nommée en 1989 directrice générale adjointe de la Caisse nationale, responsable des capitaux. On lui confie en plus la responsabilité de l’international en juillet 1990.

L’action de Monique Bourven dans les marchés de capitaux a été déterminante pour le Crédit Agricole qui a pu ainsi faire une percée importante dans ce domaine. Elle participe notamment au lancement de la première sicav du Crédit Agricole, Épargne Unie, en 1973. Celle-ci est un succès, permettant au Groupe de collecter 100 millions de francs en quelques semaines. Plombée par le premier choc pétrolier, cette activité est cependant rapidement délaissée. Monique Bourven, arrivant en 1977 à la tête du service des valeurs mobilières, décide de relancer ce produit et dynamise l’activité du secteur. Elle fait rapidement du Crédit Agricole un géant de la gestion en France.

Ce succès lui est attribué par la presse qui la surnomme « Notre Dame des sicav » ou « Mademoiselle 300 milliards », ce qui correspond aux encours gérés – en francs – par ses services. Son parcours à la fois atypique et persévérant suscite le respect de ses pairs et des médias. Elle reste cependant peu de temps au poste de directrice générale adjointe : des divergences d’opinion sur la stratégie du Groupe avec Philippe Jaffré, le directeur général, ne lui permettent pas de remplir sereinement ses fonctions. Elle préfère donc quitter la Caisse nationale en 1990 pour développer les activités en France du gestionnaire de fonds américain State Street.

Ayant acquis une position incontournable dans le domaine de la gestion, elle prend en 2002 la tête du Conseil des marchés financiers jusqu’à sa fusion avec la COB en 2003. Membre du Conseil économique, social et environnemental à partir de 2004, elle rédige de nombreux rapports, notamment sur la régulation financière, l’épargne des migrants et la place des femmes dans les lieux de décision. Elle décède en février 2023.

 

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La présentation de ces quatre parcours remet un peu en lumière des femmes dont l’action a été décisive à plusieurs grands moments de l’histoire du Crédit Agricole. Leurs savoir-faire, leur instruction et leur leadership leur ont permis de s’affirmer dans des périodes souvent complexes. À notre époque, où l’on veut valoriser l’action des femmes, peut-être qu’une des mesures bénéfiques à mettre en place serait justement de rendre plus visible leur action dans les grands évènements historiques.

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