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« Fluctuat nec mergitur »

Face à une inflation forte et des resserrements monétaires violents, les économies avancées ont fait preuve d’une résistance inattendue grâce à des amortisseurs de nature diverse et diversement sollicités : épargne, bilans privés sains, moindre sensibilité au choc de taux d’intérêt, marché du travail tendu, investissements encouragés par les stratégies publiques… Elles ralentissent à des rythmes variés, sûrement mais doucement. Sans s’effondrer, mais sans que l’inflation non plus ne s’effondre.

En 2023, les États-Unis ont échappé à la récession. Outre les soutiens, plus substantiels qu’attendu, fournis par une épargne abondante et le stimulus lié à la politique industrielle du président Biden, une sensibilité moindre à la remontée des taux d’intérêt a constitué le principal facteur de résilience. Le resserrement monétaire, très agressif, n’est cependant pas indolore : ses effets se diffusent simplement plus lentement et plus durablement. Affichant une croissance toujours positive mais inférieure à son taux potentiel, l’économie se maintiendrait ainsi à flot jusqu’au milieu de l’année 2024, avant que l’impact des hausses de taux d’intérêt ne morde plus significativement à la faveur de refinancements de dette. Notre scénario central table donc sur une récession mais seulement légère, à la jonction des années 2024 et 2025, car la situation financière des entreprises et, surtout, des ménages est saine. Ceux-ci devraient en outre profiter d’un marché du travail « déséquilibré » au profit de l’offre et dont le refroidissement se traduirait par une remontée légère du taux de chômage. Ils bénéficieront du recul de l’inflation qui, même si la hausse du prix des services se révèle tenace, passerait sous la barre des 3% au deuxième trimestre 2024. Notre scénario retient donc une croissance moyenne en ralentissement sensible en 2024 (à 1,2% après 2,4% en 2023) qui fléchirait de nouveau en 2025 (à seulement 0,5% en 2025) en dépit de l’accélération prévue en fin de période grâce à la baisse des taux d’intérêt.

En zone euro, de nombreux commentateurs dessinaient encore il y a quelques mois, voire simplement quelques semaines, un scénario de stagflation : une menace que la reprise de la demande intérieure et la désinflation éloignent. Le ralentissement est certes marqué, mais amorti par le processus désinflationniste qui permet de dessiner un scénario d’atterrissage sans fracas sur une tendance de croissance dégradée. Taux d’intérêt réels plus élevés, choc structurel de compétitivité lié à l’énergie, environnement extérieur très incertain conduisent, en effet, l’économie de la zone euro sur un rythme de croissance inférieur à un potentiel affaibli par rapport à la période pré-pandémie.

Certains des facteurs qui ont permis à la croissance européenne de fléchir sans s’effondrer, malgré une inflation en baisse mais encore élevée et une transmission puissante du resserrement monétaire, seront encore à l’œuvre en 2024. Il s’agit, surtout, de l’emploi et des salaires qui résistent au détriment de la productivité et des coûts salariaux unitaires. Notre scénario de croissance très « molle » s’appuie donc sur une reprise de la consommation des ménages elle-même justifiée par des créations d’emplois moins dynamiques mais toujours positives, une progression soutenue des salaires, la poursuite à un rythme ralenti de la désinflation et, in fine, une amélioration de la confiance laissant entrevoir une baisse de l'épargne de précaution. Passée de 8,6% en janvier à 2,4% en novembre, l’inflation totale moyenne (glissement annuel) atteindrait 5,5% en 2023, puis 2,8% et 2,5% en 2024 et 2025 respectivement. Quant à la croissance, elle serait plafonnée à 0,5% en 2023, à 0,7% en 2024 et à 1,4% en 2025. 
 

Si les grandes banques centrales semblent être parvenues au terme de leurs hausses de taux directeurs, elles n’en ont pas pour autant fini avec l’inflation.


En Chine, un an après l’abandon brutal du zéro-Covid, la croissance demeure « plombée » par des problèmes structurels et les politiques de soutien ne parviennent pas à insuffler la confiance nécessaire à la stabilisation, puis au redémarrage. L’économie chinoise tourne en-dessous de son potentiel et demeure marquée par une insuffisance chronique de la demande domestique, qui se reflète dans l’absence d’inflation : déflation et grave crise immobilière, mais aussi population vieillissante, accumulation d’épargne de précaution et dette interne élevée rappellent le Japon de la fin des années 1980 et sa « décennie perdue ». La cible de croissance 2024 devrait être officiellement annoncée en mars lors des sessions parlementaires : elle se situerait entre 4,5% et 5%. Il semble plus probable que le gouvernement privilégie une approche plus prudente et conservatrice avec une cible autour de 4,5%, afin de ne pas prendre le risque politique de « passer à côté ». Notre prévision 2024 se situe dans cette zone, à 4,4%. 

En termes de politique monétaire, il faudra s’armer de patience. Si les grandes banques centrales semblent être parvenues au terme de leurs hausses de taux directeurs, elles n’en ont pas pour autant fini avec l’inflation. Au recul mécanique et rapide de l’inflation totale doit succéder celui, plus ardu, de l’inflation sous-jacente qui risque de résister. Aux États-Unis, notre scénario table ainsi sur un repli de l’inflation mais retient une stabilisation de l’inflation à 2,4% et de l’inflation sous-jacente à 2,7% fin 2024, puis tout au long de l’année 2025. En zone euro, le risque d’une demande qui alimente l’inflation a disparu, mais le canal de transmission de l’inflation par les salaires est encore ouvert et le risque d’effets de second tour ne peut être totalement écarté. L’inflation resterait supérieure à 2,4% au cours des deux prochaines années. Les rythmes d’inflation convergeraient donc lentement vers les « zones de confort » (qui restent encore floues) des banques centrales dont elles excéderaient néanmoins toujours les cibles de 2%.

Ces perspectives d’inflation justifient un scénario de desserrement monétaire prudent : en termes de baisses de taux directeurs, les attentes des marchés semblent « agressives ». Aux États-Unis, notre scénario ne table sur une première baisse de 25 points de base qu’en juillet 2024. Le rythme de baisse serait progressif, avec une deuxième baisse de 25 points de base en novembre seulement, portant la borne haute du taux des Fed funds à 5% fin 2024. Le recul envisagé de la croissance pourrait autoriser la Fed à accélérer ses baisses en 2025 : la borne haute se situerait à 3,50% fin 2025, un seuil sous lequel la Fed pourrait avoir du mal à passer compte tenu de la persistance d’une inflation supérieure à l’objectif et d’un taux d'intérêt neutre susceptible d’être plus élevé qu’auparavant. Quant à la BCE, sa première baisse de taux (25 points de base) interviendrait en septembre 2024. Elle serait suivie de cinq baisses de 25 points de base chacune jusqu’à ce que la BCE atteigne son taux neutre, avec un taux de dépôt à 2,50%, au deuxième trimestre 2025.

Tout comme pour la politique monétaire, notre scénario de taux d’intérêt longs est d’un « optimisme tempéré ». Inflation, croissance mais aussi nécessité de ne pas détendre trop rapidement les conditions financières : tout invite les banques centrales à la patience et milite en faveur d’un scénario de repli modéré des taux longs, une fois la séquence des baisses de taux directeurs véritablement enclenchée.  Aux États-Unis, notre scénario retient un repli des rendements des Treasuries, lorsque la Fed procédera à ses premières baisses, et table sur un taux à dix ans d’environ 4% fin 2024. En zone euro, notre scénario sur les rendements des titres d’États ne « s’éclaircit » qu’au second semestre 2024. La baisse cumulée de 75 points de base en 2024 des taux directeurs de la BCE que notre scénario retient à partir de septembre devrait alors permettre aux marchés obligataires d’entamer une phase de baisse et de pentification modérées. Après s’être tendu au cours du premier semestre, le rendement du Bund se situerait fin 2024 vers 2,60%.


Pour en savoir plus, consultez notre publication « Monde – Scénario macro-économique 2024-2025 : Fluctuat nec mergitur » du 22 décembre 2023

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