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Italie, combien valent les Sardines : 6 000, 250 000 ou 25 % ?

Le laboratoire politique italien nous a habitués à une offre politique en constant renouvellement.  Nageant à contre-courant de l’antipolitique ambiant, le mouvement de rue des Sardines a occupé l’espace médiatique depuis la mi-novembre et a réussi à peser sur les dernières élections régionales en Émilie-Romagne. Les Sardines, seront-elles un épiphénomène politique ou un nouvel acteur dans un contexte de désinstitutionalisation du système des partis ? Seront-elles un élément stabilisateur ou ajouteront-elles de l’imprévisibilité et de l’instabilité à la compétition politique ?

6 000, 250 000 ou 25 % ?

Il est sûrement trop tôt pour avoir une réponse définitive à ces questions, mais il paraît évident que le mouvement des Sardines a rempli un vide politique et réveillé l’âme démocratique d’un électorat endormi ou désillusionné. Lorsque, à la mi-novembre, M. Salvini lance la campagne de la Ligue pour les régionales en Émilie-Romagne, il a comme objectif de remplir le Palais des sports de Bologne, qui contient 5 750 personnes. Il ne se doute pas de la réaction d’une partie de la population qui donnera naissance au mouvement des 6 000 Sardines. Quatre jeunes appellent à une mobilisation contre la Ligue sur les réseaux sociaux et proposent un flashmob afin de remplir une place de la même ville d’autant de monde « en se serrant comme des sardines dans une boîte ». On compte les points : le pari est gagné et le mouvement des 6 000 sardines naît. Le banc des sardines ne cesse de s’agrandir. L’expérience se répète dans plusieurs villes d’Italie et à l’étranger. La page Facebook totalise rapidement plus de 250 000 « likes » et compte presque 300 000 followers. Le mouvement appelle à la mobilisation pour les élections régionales du 26 janvier. Les électeurs répondent. Le Centre-gauche remporte les élections en Émilie-Romagne : 17% de la progression du vote pour le Centre-gauche proviendrait d’électeurs qui s’étaient précédemment abstenus. Le rouleau compresseur du Centre-droit qui, de 3 régions gouvernées en 2014, en dirige 13 en 2020, est ainsi temporairement arrêté.

 

La politique du mieux ou la politique du contre : la compétition des valeurs

Les Sardines semblent avoir réussi à ramener d’abord dans la rue, ensuite dans les urnes, un électorat progressiste déçu. Cette remobilisation s’est articulée autour d’une compétition des valeurs. Dans le programme affiché par les Sardines, il n’y a pas de propositions spécifiques (à l’exception de celle d’une police des réseaux sociaux avec identification de chaque profil et exclusion en cas de contenu haineux) mais des thèmes : solidarité, inclusion, antifascisme, non-violence, respect de l’adversaire politique, protection de l’environnement. Une éthique politique qui se veut en opposition de la rhétorique populiste. Et surtout un message : pour changer le monde, il ne faut pas de gestes fous, des gestes ordinaires suffisent. L’appel à la participation démocratique est clair. Le message a été rapidement recueilli par le Parti démocrate, qui n’a pas manqué de remercier les Sardines pour leur apport à la victoire en Émilie-Romagne. Le Mouvement Cinq Étoiles (M5S) a pris contact avec elles, se remémorant sûrement ses débuts, quand le M5S était capable de mobiliser l’énergie critique de la société civile. Mais, à la différence du M5S, les Sardines ne souhaitent pas reproduire la révolution de l’antipolitique. La rhétorique antisystème ne les convainc pas. Ils veulent pousser la politique à mieux faire.

 

Les bancs de sardines évoluent au large…

Dans leur premier congrès prévu les 14 et 15 mars, les Sardines s’interrogeront sur la façon de canaliser ces énergies dans un projet politique novateur. Leur rôle sera-t-il simplement celui du réveil et du maintien en éveil des consciences démocratiques en marge du jeu des partis ou se transformeront-elles en parti politique ? L’ouverture du Parti démocrate à élargir le camp des consciences de gauche ne les laisse pas insensibles. Leur décision et leur capacité à continuer à mobiliser seront cruciales dans cette phase de reconfiguration du panorama politique italien. Le Centre-gauche a cruellement besoin de remotiver un électorat ayant fui vers le M5S et l’abstention. Aujourd’hui, face à une Ligue qui totalise à elle seule 30% des intentions de vote (47% avec les deux autres partis du Centre-droit), le Parti démocrate peut afficher 20% des intentions (10% supplémentaires avec la Coalition du Centre-gauche) et doit compter pour gouverner sur un M5S, certes en perte de vitesse, mais réunissant encore 15% des voix. De la réussite de son pari dépendra le retour à un monde bipolaire avec une offre politique à gauche apte à concurrencer l’avancée du Centre-droit. Le système électoral mixte actuel, proportionnel avec une composante majoritaire à 37%, pousse à des grandes coalitions pré-électorales et à retrouver un clivage traditionnel autour duquel les articuler. Mais le maintien de ce système n’est pas acquis et le M5S souhaite retourner vers un système proportionnel pur, lui garantissant de pouvoir continuer à jouer l’arbitre de l’équilibre entre gauche et droite. Les Sardines pourraient apporter des arguments solides au Parti démocrate pour ne pas appuyer cette réforme. Cela ouvrirait un nouveau front de confrontation entre les deux forces au gouvernement.

 

Paola MONPERRUS-VERONI - paola.monperrus-veroni@credit-agricole-sa.fr

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