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Lors de la première salve de hausse des prix au printemps 2021, les banques centrales ont d’abord invoqué un choc temporaire lié au fort décalage entre la reprise rapide de la demande post-Covid et une offre encore sous contraintes sanitaires ou incapable d’accommoder, à court terme, l’explosion des carnets de commandes.

Il semblait à l’époque raisonnable d’imaginer pouvoir remédier à la grande désorganisation des chaînes d’approvisionnement et de logistique mondiales grâce à la normalisation des conditions d’offre, avec l’arrivée des vaccins, et de demande, une fois les effets de rattrapage passés, de quoi finalement assagir les prix.

Mais, loin de s’apaiser, ces tensions inflationnistes ont persisté et se sont même aggravées suite au déclenchement de la guerre en Ukraine du fait de la nouvelle flambée des cours des matières premières et des prix de l’énergie en particulier, propulsant l’inflation à des niveaux inédits depuis plusieurs décennies. Face à un transitoire qui dure, les banques centrales, garantes de la stabilité des prix à moyen terme, n’ont eu d’autres choix que de muscler leur discours et de faire volte-face en érigeant la lutte contre l’inflation au rang des priorités. Jérôme Powell, le patron de la Réserve fédérale américaine (Fed), a ainsi dû, au tournant de l’année, faire son mea-culpa et reconnaître cette erreur collective de diagnostic tout en signalant une trajectoire de resserrement agressif pour éviter que la bosse d’inflation ne se transforme en une vague incontrôlable quitte à sacrifier la croissance. Les marchés ont salué la sortie de ce déni de réalité, non sans mauvaise foi, car rares étaient ceux à l’époque qui avaient anticipé une poussée inflationniste aussi forte et rapide. Il y avait bien l’alerte donnée par Lawrence Summers, l’ancien secrétaire au Trésor de l’Administration Clinton et économiste réputé, qui jugeait le plan de relance de Joe Biden, adopté en mars 2021, surdimensionné, avec des transferts fédéraux vers les ménages bien supérieurs aux pertes de revenus endurées pendant la crise Covid, de quoi risquer la surchauffe une fois les contraintes sanitaires levées. Mais, d’autres économistes de renom, comme Paul Krugman, forts de l’expérience de la crise de 2008, estimaient qu’il valait mieux en faire trop que pas assez pour sortir par le haut de la crise, sachant que la Fed était outillée et en terrain connu pour faire ralentir la machine en cas d’emballement. C’est finalement le scénario de Lawrence Summers qui s’est matérialisé avec une réponse de la Fed conforme aux préconisations de Paul Krugman, sans doute lui-même surpris de la vitesse à laquelle le génie de l’inflation est sorti de sa lampe.

Face à une Fed désormais déterminée à faire disparaître l’empreinte inflationniste, la Banque centrale européenne (BCE) est critiquée pour son manque de sérieux dans sa lutte contre la flambée des prix avec un démarrage trop tardif de son processus de normalisation monétaire. Pourtant, la prudence de la BCE ne semble pas déraisonnable eu égard à la nature de l’inflation qu’elle est censée combattre. Très schématiquement, les États-Unis font surtout face à un choc de demande positif, là où l’Europe subit un choc d’offre négatif, conséquence directe de la guerre en Ukraine, lequel touche les secteurs de l’énergie et du gaz en particulier mais aussi les industries alimentaires. Si la Fed a la capacité de faire levier sur l’inflation en resserrant les conditions de financement pour assagir la demande, la BCE est impuissante à alléger les pressions sur l’offre et à agir sur les cours mondiaux des matières premières sachant que l’énergie et l’alimentaire contribuent à hauteur de 70% à la hausse du niveau général des prix. Néanmoins, la BCE, en mode temporisation, a fini par se faire rattraper par l’emprise de la politique monétaire américaine avec un différentiel de taux trop pénalisant pour la monnaie unique. Face à l’affaiblissement de l’euro qui ajoute de l’inflation à l’inflation, la BCE s’est résolue à emboîter le pas à la Fed en accélérant la cadence de remontée des taux d’intérêt. Une augmentation de tempo n’est pas un problème en soi tant que le point d’arrivée n’est pas revu en hausse avec une normalisation qui devrait ramener les taux d’intérêt en zone neutre, un concept certes théorique mais une boussole qui a pour vertu d’indiquer l’orientation désirée de la politique monétaire, dans le cas présent ni accommodante, ni restrictive. Ce signal est sans doute suffisant pour permettre d’ancrer les anticipations d’inflation et prévenir toute dérive salariale. On devrait également revenir vers des référentiels de taux plus conformes à la réalité inflationniste après avoir mis un terme à l’aberration des taux d’intérêt nominaux négatifs. Aller au-delà, en territoire restrictif, n’apparaît pas justifié dans une économie européenne qui, à peine remise du choc de la pandémie, voit déjà poindre la menace d’une nouvelle récession en cas de rupture totale des livraisons de gaz russe, sauf à vouloir lui infliger des souffrances inutiles et évitables au nom de l’orthodoxie monétaire.

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