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Drapeau Chine Japon - Crédit Agricole 1re banque de France des Agriculteurs, particuliers professionnels agriculture entreprise - Actualité Banque

Crise immobilière, problèmes démographiques, tensions commerciales avec les États-Unis, niveau de la dette inquiétant : les points de comparaison entre la Chine actuelle et le Japon des années 1980 sont nombreux et font redouter un scénario de « japonisation » de l’économie chinoise. Ce dernier se caractérise par un ralentissement de l’activité provoqué par une baisse de la consommation privée, le déclenchement d’une boucle prix-salaires négative alimentant la déflation, un recul de la croissance potentielle. Or, le Japon ne s’est jamais vraiment remis de sa « décennie perdue » : ce pays, que les économistes des années 1980 voyaient devenir la première puissance économique mondiale, a finalement connu près de vingt ans de stagnation de sa croissance et de ses prix. Le danger pour la Chine serait donc de connaître un destin similaire et de revenir à la stagnation qui caractérisait l’histoire de son économie avant le décollage des années 1980.

Un modèle de développement similaire

Avant le tournant des années 1990, le Japon avait connu une période de forte croissance, fondée sur les exportations et la remontée des filières (modèle dit « en vol d’oies sauvages »), des taux d’investissement et d’épargne élevés et un mode de financement par les banques plutôt que par les marchés. À son plus haut historique en 1988, le Japon comptait pour 9,8% des exportations mondiales. Après un léger rebond au milieu des années 1990, aidé par la dépréciation du yen, le pays n’a plus jamais connu de telles parts de marché. En 2022, il ne représentait plus que 3,2% des exportations mondiales. Les mêmes caractéristiques se retrouvent en Chine, passée de 4,1% des exportations mondiales en 2001 (année de son entrée dans l’OMC) à 19% en 2021. Ce niveau a reculé en 2022 (16,1%), en raison notamment des restrictions sanitaires qui ont conduit à des blocages dans les ports chinois, mais reste très élevé. Il est en revanche probable qu’un plus haut historique ait été atteint en 2021. Reste à savoir si la Chine parviendra à conserver sa domination sur le commerce mondial ou si elle cédera des parts de marché face à l’émergence de nouveaux concurrents.
 

La Chine d’aujourd’hui n’est cependant pas le Japon de 1990

La Chine n’est pas le Japon des années 1990 et c’est à la fois un avantage et un problème. Côté avantage, trois points fondamentaux différencient les deux pays : la crise immobilière ne s’accompagne pas d’autres bulles d’actifs spéculatives ; le risque de faillites bancaires semble limité et les autorités ont les moyens de soutenir les banques les plus fragiles (notamment régionales) si nécessaire ; le compte financier de la Chine reste très fermé, ce qui la protège des mouvements de capitaux, mais aussi des pressions sur le change. Cela lui donne des marges de manœuvre plus étendues dans la conduite de ses politiques économiques. La maîtrise de son taux de change lui permet par exemple de maintenir sa compétitivité-prix dans les phases de ralentissement du commerce extérieur grâce aux interventions de la banque centrale. 

En revanche, son niveau de développement et de richesse – et donc de résilience – est bien moins élevé et l’expose à des scénarios finalement plus brutaux. Au début des années 1990, le PIB par tête japonais, exprimé en dollars constants de 2015, était déjà de 28 915 dollars, contre 11 500 pour le PIB par tête chinois aujourd’hui. En d’autres termes, le Japon était déjà une économie à hauts revenus, alors que la Chine est encore une économie à revenus intermédiaires. Le risque est donc pour la Chine de rester bloquée dans ce que les économistes appellent la trappe à revenus intermédiaires, qui décrit une situation dans laquelle la majorité des habitants d’un pays n’arrive pas à accéder à la classe moyenne. Si la Chine a vaincu la grande pauvreté, environ 600 millions d’habitants continuent de vivre avec moins de 150 dollars par mois. Or, le modèle de développement de la Chine contraint aussi l’évolution des salaires. En faisant le choix d’une insertion dans le commerce mondial fondée sur la compétitivité-prix, la Chine fait face à un arbitrage : monter en gamme pour créer plus de valeur ajoutée, développer de la compétitivité hors-prix et donc disposer de marges de manœuvre supplémentaires pour augmenter les salaires, ou rester dans de la pure compétitivité-prix et donc freiner la hausse salariale mais aussi l’appréciation du change.
 

Japon : les leçons à tirer 

Du Japon, la Chine pourrait néanmoins tirer des leçons afin de ne pas reproduire les mêmes erreurs. La première leçon, c’est que dans les moments de ralentissement du cycle et de désancrage des anticipations de croissance et d’inflation, la communication des autorités autour de la politique économique est primordiale. Son objectif est avant tout d’améliorer la prédictibilité et la coordination des acteurs économiques, en particulier pour ce qui concerne leurs décisions d’investissement.

La deuxième leçon, c’est d’éviter que les banques commerciales assument seules le poids du désendettement du secteur immobilier afin de préserver leur capacité à prêter. À cet égard, le parallèle avec le système chinois a moins de sens. Les principales banques du pays étant publiques, c’est l’État qui porte la responsabilité de prêteur en dernier ressort et qui, à ce titre, peut organiser la faillite ou la recomposition des établissements en difficultés, comme il l’a déjà fait par le passé en créant des structures de défaisance pour gérer des actifs non performants. 

La troisième leçon japonaise est de faire très attention dans la mise en place des politiques de pilotage des salaires, afin d’éviter qu’une boucle décroissante salaires/prix ne se mette en place. Dans le cas japonais, les pressions à l’appréciation du yen exercées par les États-Unis avaient conduit au ralentissement de la hausse des salaires car les entreprises voulaient maintenir leur compétitivité-prix érodée par le niveau du taux de change. 
 

La « japonisation » : un moindre mal face à d’autres scénarios plus brutaux ?

Si les parallèles sont séduisants, si des leçons peuvent être tirées, la nature du régime chinois et le resserrement autour du Parti et de son leader Xi Jinping font cependant que la Chine ne ressemblera jamais totalement au Japon, des années 1990 ou d’aujourd’hui. Au sortir de sa « décennie perdue », l’économie japonaise avait déjà « laissé quelques plumes », elle disposait cependant d’un avantage dont la Chine est encore privée : celui d’un marché intérieur de consommateurs au pouvoir d’achat élevé, un marché mature certes mais ayant permis au Japon d’échapper à une correction encore plus violente de sa croissance. Or, la « croissance » est finalement un concept récent en Chine et ce à quoi elle doit échapper, c’est le retour à la stagnation, situation qui prédominait jusqu’en 1979, avant que Deng Xiaoping ne débute les réformes d’ouverture. Or, en affirmant lutter contre les dérives du capitalisme, qu’il soit ou non « à la chinoise », qu’il s’agisse de l’apparition de grands groupes privés capables de rivaliser avec la puissance de l’État (Alibaba, Tencent pour ne citer qu’eux) ou de la hausse des inégalités, et en revenant à une conception plus maoïste du pouvoir, Xi Jinping a mis de côté l’exigence de prospérité qu’impliquait le nouveau contrat social chinois. Mettre le Parti au centre de la vie économique n’avait cependant pas permis à la Chine maoïste de décoller, bien au contraire. Voilà pourquoi le Japon des années 1990 n’est finalement pas comparable avec la Chine d’aujourd’hui : les manifestations économiques ont beau être similaires, le cadre politique est très différent. Et c’est lui qui déterminera le degré de priorité accordé à l’économie face aux multiples autres exigences d’un pays comme la Chine qui doit aussi composer avec ses exigences de stabilité et de puissance. De quoi anticiper des temps encore difficiles pour l’économie chinoise.

Pour en savoir plus, consultez notre publication « La Chine n'est pas le Japon des années 1980 et c'est à la fois une bonne nouvelle et un grand problème » du 27 mars 2024

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