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Container Chine vs US - Crédit Agricole 1re banque de France des Agriculteurs, particuliers professionnels agriculture entreprise - Actualité Banque

La décision ne se sera pas fait attendre : après avoir indiqué envisager de nouvelles hausses des droits de douane sur certaines importations chinoises, Joe Biden a dévoilé la semaine dernière les produits concernés. Dénonçant les pratiques trompeuses de la Chine en matière commerciale devant un parterre de dirigeants syndicaux, le président américain a indiqué que les 18 milliards de biens chinois – soit environ 4% du total des importations américaines annuelles depuis la Chine – concernés par les hausses de droits avaient été « soigneusement ciblés dans les secteurs stratégiques » afin de permettre aux entreprises américaines de consolider leur position de marché.

Ces mesures viennent s’ajouter à une longue liste de barrières tarifaires et non-tarifaires imposées depuis le déclenchement de la guerre commerciale en 2018. L’institut de recherches PIIE (Peterson Institute for International Economics) estimait qu’avant les nouvelle annonces, 66% des exportations chinoises vers les États-Unis étaient déjà soumises à des droits de douane à un taux moyen de 19,3%. La signature de l’accord Phase-1, puis l’élection de Joe Biden, n’avaient eu aucun effet d’apaisement, la dénonciation des pratiques commerciales chinoises étant même un des rares sujets bipartisans aux États-Unis. 

Sans surprise, à six mois des élections présidentielles américaines, les produits concernés sont les plus emblématiques de l’appareil de production chinois : panneaux solaires, véhicules électriques, batteries et semi-conducteurs, ainsi que l’acier et l’aluminium, déjà taxés sous l’administration Trump. Bien que le déficit commercial américain vis-à-vis de la Chine se soit réduit depuis 2018 – tout comme la part de marché de la Chine dans les importations américaines, passée de 19% en 2018 à 14,8% en 2023 – il restait à un niveau élevé en 2023, autour de 280 milliards de dollars. Surtout, il semblerait que les pays ayant bénéficié de la recomposition des chaînes de valeur, Mexique – redevenu le premier partenaire commercial des États-Unis depuis 2023 – et Vietnam en tête, servent aussi de plateforme intermédiaire aux produits chinois pour contourner les droits de douane et les restrictions mises en place, plutôt que de véritables sites de production. 

Les autorités américaines, conscientes de ces circuits de contournement, n’ont pour le moment pas pris de dispositions particulières pour s’assurer du contenu en valeur ajoutée chinoise transitant par des pays tiers. La renégociation de l’accord de libre-échange ALENA (Canada, États-Unis, Mexique), qui doit avoir lieu l’an prochain, pourrait cependant ouvrir la porte à plus de contrôles, surtout en cas de victoire de Donald Trump aux élections présidentielles. 

Les nouveaux droits de douane s’appliquent donc sur les produits et secteurs ciblés par l’Inflation Reduction Act, pour lesquels les autorités américaines déploient une politique de réindustrialisation, à commencer par toute la filière des véhicules électriques (des minerais critiques aux véhicules finis, en passant par les batteries), qui a concentré l’essentiel de l’attention médiatique ces derniers mois.

 

Véhicules électriques : une mesure en trompe-l’œil

Si la hausse des droits de douane sur les véhicules électriques chinois est la plus impressionnante, il s’agit avant tout d’une mesure défensive, la part des entrants chinois représentant à peine 2% des importations totales de véhicules électriques aux États-Unis. Alors que l’inflation peine toujours à se stabiliser aux États-Unis, les autorités américaines ont veillé à ce que la hausse des droits de douane, généralement directement reportée sur les prix de vente, n’entraîne pas une nouvelle accélération des prix à la consommation. 

Les mesures concernant les minerais excluent par exemple ceux pour lesquels la Chine est un fournisseur critique et incontournable. Dans le cas des panneaux solaires, la compétitivité-prix de l’industrie chinoise est telle que la hausse des droits de douane ne devrait pas empêcher les produits chinois de rester moins chers que les panneaux américains ou européens.

Une mesure similaire sur les véhicules électriques prise du côté de l’Union européenne aurait en revanche un coût économique bien plus fort pour la Chine. Le marché européen représentait près de 40% des exportations de véhicules électriques chinois en 2023. Les images de milliers de voitures stockées dans le port d’Anvers-Bruges illustrent l’ampleur de l’offensive des constructeurs chinois, pour lesquels le marché européen est devenu vital pour écouler les surcapacités de production et reconstituer marges et trésorerie sérieusement entamées par l’intense guerre des prix à laquelle se sont livrés les constructeurs ces derniers mois. 

Si Xi Jinping a répété à l’occasion de sa venue en France que le prétendu « problème de la surcapacité de la Chine n’exist[ait] pas », la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a montré une ligne plus dure, en déclarant que l’Union européenne ne pouvait pas accepter « le commerce déloyal » induit par les politiques de subventions massives et que cette dernière « n’hésitera[it] pas à prendre des décisions fermes pour protéger son économie et sa sécurité ». 

Les conclusions du rapport commandé par la Commission sur les subventions dans le secteur automobile chinois sont attendues le 5 juin, et pourraient conduire à une hausse des droits de douane dès juillet. Cela représenterait un revers significatif pour les constructeurs chinois, alors que les ventes de véhicules électriques ralentissent déjà en Chine et dans l’Union européenne. Ursula von der Leyen a toutefois indiqué que la taxation européenne serait probablement « plus ciblée » que celle mise en place par les États-Unis. Si l’ordre de grandeur retenu correspond à celui des mesures habituellement prises après ce genre d’enquêtes, les droits de douane passeraient alors de 10 à 20%, ce qui pourrait entamer la compétitivité-prix des véhicules chinois, sans toutefois l’annuler totalement. 

En représailles, la Chine a aussi annoncé avoir lancé des enquêtes anti-dumping, d’abord sur les eaux-de-vie de vin comme le cognac – ciblant essentiellement la France – mais aussi sur le copolymère de polyoxyméthylène, un plastique d'ingénierie utilisé dans les téléphones, les pièces détachées automobiles ou encore les équipements médicaux. La Chine a aussi ouvert la porte à une possible taxation de produits agricoles, notamment les produits laitiers bénéficiant des subventions de la Politique agricole commune (PAC), et ce alors même que, n'étant pas auto-suffisante sur le plan alimentaire, elle reste très dépendante de ses importations dans ce secteur.

 

Côté chinois : quelles répliques possibles ?

Bien que le ministre du Commerce chinois ait annoncé que la Chine « s’opposait aux hausses des droits de douane unilatérales violant les règles de l’OMC » et qu’elle « prendrait des mesures énergiques pour protéger ses propres droits et intérêts », ses marges de manœuvre sont en réalité plus étroites. En 2018-2019, la Chine avait elle aussi répliqué par des hausses de droits de douane sur les produits américains, à commencer par les matières premières énergétiques (pétrole, propane) ou alimentaires (soja, coton, fruits et légumes…). 58% des importations de produits américains sont déjà taxées, à un taux moyen de 21,1%. 

Les produits restants sont essentiellement des biens industriels à haute valeur ajoutée (avions, machines-outils, semi-conducteurs) pour lesquels il existe parfois peu de fournisseurs de substitution. La Chine a beau connaître un contexte inflationniste beaucoup plus favorable que le reste du monde – son problème serait plutôt de sortir de la déflation – une hausse des droits de douane sur ces produits très spécifiques pourrait mettre une partie de son appareil productif en difficulté.

Une autre voie possible serait de reprendre et d’intensifier les restrictions aux exportations sur les métaux et terres rares, dont les États-Unis restent dépendants. Ces mesures visaient surtout à contrer les multiples interdictions prises par les États-Unis pour éviter que des brevets ou technologies liés au secteur des semi-conducteurs ne puissent être transférés en Chine, et donc que le pays rattrape son retard. 

Enfin, la Chine pourrait jouer sur le niveau de son taux de change pour regagner en compétitivité et compenser la hausse des prix induite par les droits de douane. Cette option semble néanmoins peu crédible. Si la banque centrale a laissé le yuan se déprécier face au dollar ces derniers mois, ce qui a aussi permis de soutenir les exportations, il semble peu probable qu’elle agisse délibérément pour affaiblir de nouveau sa devise, surtout dans un contexte de taux qui lui est très défavorable. Une dépréciation du yuan pourrait ainsi entraîner de nouvelles sorties de capitaux.

 

Aux États-Unis, la fermeté vis-à-vis de la Chine est devenue un enjeu électoral. En annonçant vouloir porter les droits de douane sur l’ensemble des importations chinoises à 60% en cas de victoire, Donald Trump a contraint Joe Biden à se positionner sur le sujet et à prendre de nouvelles mesures. Si ces dernières ont été soigneusement ciblées, afin 1/ de s’inscrire dans la continuité des mesures précédentes, 2/ de cibler les secteurs déjà concernés par l’Inflation Reduction Act, 3/ de limiter au maximum l’impact sur l’inflation pour les consommateurs américains, elles ouvrent surtout la porte à plus de fermeté côté européen. Alors que les conclusions des multiples enquêtes sur le niveau des subventions chinoises dans divers secteurs (éolien, panneaux solaires, véhicules électriques) ne sont pas attendues avant plusieurs mois, l’UE pourrait décider d’une hausse des droits de douane dans les prochaines semaines. 

Au milieu des années 1980, et alors que le déficit commercial américain vis-à-vis du Japon atteignait des niveaux historiques, les États-Unis avaient réussi à contraindre le Japon à une forte appréciation du yen (Accords du Plaza de 1985) et à une délocalisation des sites de production de voitures japonaises sur le territoire américain. Face à la Chine, les problématiques sont similaires mais le contexte a changé, et la logique économique s’est effacée derrière des enjeux géopolitiques plus globaux. Si Joe Biden affiche aussi un message écologique en affirmant vouloir que les États-Unis puissent maîtriser les chaînes de production liées à la transition climatique, le retour au pouvoir de Donald Trump pourrait conduire à une reprise de la guerre commerciale encore plus violente et au retour d’un protectionnisme basique faisant peu de cas des problématiques climatiques.

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