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Entre la Chine et les États-Unis, la Corée a toujours besoin de la mondialisation heureuse

Réunis le 26 novembre dernier et pour la première fois depuis 2019 à Busan (Corée du Sud), les ministres des Affaires étrangères chinois, sud-coréen et japonais ont annoncé la reprise d’un dialogue tripartite, visant notamment à contrôler le niveau de tensions en mer de Chine et avec la Corée du Nord. 

Si le retour de la Chine dans cette coopération est surprenant, le rapprochement opéré entre la Corée du Sud et le Japon se confirme et s’intensifie depuis l’élection du conservateur coréen Yoon Suk-yeol. En août à Camp David, les deux pays ont ainsi signé un accord de coopération avec les États-Unis, qui prévoit des manœuvres militaires communes, des échanges entre services de renseignements et des rencontres trilatérales. 

L’apaisement de Busan, qui s’inscrit dans la lignée de la rencontre Xi-Biden à San Francisco, n’est pas suffisant pour remettre en question le rapprochement opéré entre la Corée et le Japon, souhaité par Washington et vu d’un mauvais œil par Pékin. Il témoigne en revanche de la place particulière qu’occupe la Corée du Sud dans cet espace et ce réseau d’alliances, elle dont la prospérité s’est fondée sur le commerce et donc la « mondialisation heureuse », aujourd’hui remise en question. 

 

Les tensions commerciales, un défi pour le modèle de croissance sud-coréen

La Corée du Sud fait partie de la catégorie très fermée des pays ayant connu une croissance rapide, la propulsant d’une économie en développement à une économie avancée en moins de cinquante ans. 

Son modèle de croissance, fondé sur l’ouverture au commerce international, associé à une spécialisation dans certains secteurs à forte valeur ajoutée (électronique, semi-conducteurs, automobile), lui a permis d’accumuler des excédents courants, d’attirer des investissements directs étrangers puis de répartir les gains de la croissance de manière à créer une classe moyenne soutenant la consommation. 

C’est ce modèle équilibré qui lui a permis de traverser la crise du Covid sans subir de récession trop profonde, et en profitant d’une reprise très soutenue du commerce international, en particulier sur la demande de biens électroniques et donc de semi-conducteurs.

L’année 2022, marquée par une hausse des prix de l’énergie, une contraction du commerce international, une montée des tensions et un fort resserrement monétaire, a cependant fait ressurgir les faiblesses de l’économie coréenne, à commencer par sa dépendance aux échanges extérieurs. 

Après un super-cycle en 2020-2021, l’effondrement des exportations de semi-conducteurs couplé à la hausse des prix du pétrole, premier poste d’importations du pays, ont mis la balance commerciale ainsi que la devise sous tensions. Le déficit commercial s’est ainsi creusé jusqu’à atteindre 70 milliards en mai 2023, pesant également sur le won qui a cédé 20% face au dollar en 2022, avant de se réapprécier. 

Face à une hausse des prix rapide, qui s’était propagée rapidement à la partie sous-jacente de l’inflation, la banque centrale coréenne avait relevé son taux directeur à sept reprises entre janvier 2022 et janvier 2023, le passant de 1,25% à 3,5%, le double du taux historique pré-Covid. Enfin, la croissance avait également nettement ralenti, passant de 3,1% au T3-2022 à moins de 1% au T2-2023, sous l’effet d’une contribution négative du commerce extérieur et d’une consommation peu dynamique, entamée par l’inflation. 

Depuis le troisième trimestre, l’horizon semble cependant s’éclaircir pour la Corée. Déjà, l’inflation a nettement décéléré. Si sa composante sous-jacente demeure à un niveau inhabituellement élevé pour le pays (3,6% en octobre en glissement annuel), son rythme plaide pour un desserrement progressif de la politique monétaire, qui pourrait débuter au deuxième semestre 2024 et en fonction des choix américains, afin de ne pas s’exposer à de nouveaux mouvements brusques de capitaux comme en 2022. 

Ensuite, les exportations ont repris des couleurs. Après un an de baisses consécutives, elles ont progressé de 5,1% en octobre en glissement annuel. Le déficit commercial se consolide ainsi graduellement, et s’élevait à 40 milliards de dollars en octobre. Si la consommation demeure pour l’instant neutre dans sa contribution à la croissance, elle devrait s’améliorer graduellement en 2024, année pour laquelle la croissance devrait atteindre 2,3%. 

Économie très ouverte et très dépendante des matières premières, la Corée du Sud a subi de plein fouet les contraintes externes apparues en 2022 : hausse des prix énergétiques et agricoles provoquée par l’invasion russe en Ukraine, resserrement monétaire, dépréciation des devises face au dollar et ralentissement de la demande mondiale. Devant cette succession de chocs, l’économie a finalement plutôt bien résisté. Certes, la croissance a ralenti, mais elle devrait se maintenir au-dessus de 1% en 2023, une performance inférieure à celle des États-Unis mais meilleure qu’en zone euro. Et surtout, la fin d’année indique que, loin de s’affaiblir, la reprise se consolide, grâce à l’amélioration des termes de l’échange. La production industrielle est ainsi revenue en territoire positif en octobre, et les indices PMI restent bien orientés. 

Dans ce contexte, la Corée aurait tout à gagner d’un apaisement des tensions, elle qui a fondé sa croissance et son développement sur la mondialisation heureuse et l’intégration commerciale en Asie. La rencontre de Busan se veut le signe de cet apaisement, mais elle est loin de répondre aux divergences profondes et aux inquiétudes coréennes vis-à-vis de la position chinoise en mer de Chine et de son soutien au régime nord-coréen.

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