Europe – Scénario 2025-2026 : des vents contraires se calment, d’autres se lèvent
Dans le contexte d’une croissance mondiale jusque-là surprenante par sa résistance, les économies d’Europe occidentale font preuve de résilience, progressant néanmoins à des rythmes divers.
Les économies du cœur de la zone euro, et notamment l’Allemagne, affichent une croissance au mieux poussive, tandis que les économies ibériques sont soutenues par une forte dynamique de la consommation privée et de l’investissement, ce dernier s’appuyant sur les fonds du plan européen pour la reprise et la résilience. Au Royaume-Uni, la croissance a réalisé la meilleure performance parmi les pays du G7 au premier semestre, mais avec une consommation privée en modeste progression et un investissement en repli. Le rythme de croissance s’est nettement infléchi depuis la pandémie et l’économie britannique n’a jamais retrouvé ni le niveau tendanciel du PIB, ni son taux de croissance. En revanche, la zone euro a désormais récupéré la croissance perdue lors du choc de la Covid et son rythme de croissance a bien retrouvé le rythme potentiel (plus faible) d’avant la pandémie.
Ce rythme est assuré grâce au dynamisme de l’offre de travail, qui rencontre encore une demande en dépit du ralentissement du cycle. La résilience de l’emploi est essentielle pour le maintien de cette narration d’optimisme prudent. Ce dernier est néanmoins soutenu dans la zone euro par une orientation plus favorable des politiques économiques et par la reprise du cycle du crédit qui alimente le redémarrage de l’investissement. En revanche, au Royaume-Uni, la persistance d’une inflation élevée oblige la banque centrale à arrêter son processus d’assouplissement, alors même que la politique budgétaire devient plus restrictive et le taux de chômage est prévu en hausse.
Les risques pesant sur notre scénario d’accélération de la croissance dans la zone euro et de ralentissement modéré au Royaume-Uni sont orientés à la baisse. Si l’UE et le Royaume-Uni ont profité des meilleures conditions parmi les nouvelles conditions tarifaires imposées par les États-Unis à ses partenaires commerciaux, elles restent néanmoins pénalisantes et l’incertitude quant à la future relation avec les États-Unis n’est pas levée, la confrontation avec l’administration Trump étant hybride et polymorphe, et pouvant encore se déployer sur d’autres fronts (IDE, services numériques, stabilité financière, défense). Par ailleurs, le risque de détournement des flux de commerce chinois du continent américain vers l’Europe s’impose comme la principale menace déflationniste pour le continent.
La zone euro poursuit sa reprise…
Depuis son redressement à l’été 2024, la croissance de la zone euro s’est installée sur un rythme proche de la tendance de la période 2013-2019, se défaisant progressivement des facteurs de frein qui l’avaient lestée depuis 2022 (inflation, restriction monétaire, restriction budgétaire post-pandémie, cycle de crédit). Elle montre une certaine résistance face aux nouveaux facteurs de frein (appréciation de l’euro, hausse des droits de douane et incertitude). Si les vents contraires qui s’estompent ont pesé surtout sur la demande intérieure, les nouveaux obstacles affectent davantage la demande étrangère. La demande intérieure fait preuve d’une résistance qui soutient la croissance du PIB. Malgré les freins passés, le marché du travail a montré une forte résilience avec un taux de chômage inférieur à celui prédictible pour un tel taux de croissance du PIB. Mais la croissance est désormais moins riche en emplois, les heures travaillées augmentent peu et le taux de chômage s’est stabilisé depuis un an. Les gains de pouvoir d’achat persistent, même si le salaire réel par travailleur n’a fait que récupérer son niveau d’avant le choc inflationniste de 2022.
Alors que les marges sont sous la pression d’une compétitivité extérieure abîmée par l’appréciation et par la hausse des droits de douanes, la question de la poursuite de cette résilience à la fois de l’emploi et des salaires se pose. L’accélération de la croissance inscrite dans notre scénario s’appuie sur le maintien de cette hypothèse de résilience de l’emploi et d’un taux de chômage en légère baisse. La profitabilité, même si elle est en cours d’érosion, reste en ligne avec sa moyenne historique et les consommateurs peuvent se reposer sur une épargne historiquement élevée.
… Avec des performances disparates…
La croissance française a surpris à la hausse au deuxième trimestre 2025 et l’activité devrait continuer de progresser modérément au deuxième semestre. Cela se solderait par une croissance modeste en 2025, au rythme de 0,7%. Malgré de possibles effets d’attentisme générés par l’incertitude sur le comportement des agents privés, l’activité accélèrerait en rythme annuel de 1,2% en 2026. L’accélération de l’activité serait portée par les retombées des mesures publiques allemandes et de la hausse des dépenses en défense dans l’Union européenne, mais aussi par l’accélération de la consommation privée et le redémarrage de l’investissement des entreprises au niveau domestique.
L’économie allemande demeure enlisée dans la faiblesse de l’activité manufacturière et la dégradation de sa situation compétitive. La croissance en 2025, prévue à 0,1%, est encore freinée par la mollesse de la consommation privée et par le repli de l’investissement dans ses composantes productives et dans le logement. Les perspectives pour 2026 s’améliorent nettement avec les dépenses additionnelles annoncées, prévues en hausse de 1% de PIB en 2026, qui soutiendraient l’accélération de la croissance à 1,2%.
L’économie italienne peine à retrouver son élan en 2025 avec une croissance prévue à 0,5%. Malgré la persistance des difficultés dans le secteur industriel, l'investissement reste étonnamment résilient en 2025, soutenu par le plan Transition 5.0 et l'assouplissement des conditions de financement. La consommation demeure le maillon faible, pénalisée par un marché du travail moins dynamique et un pouvoir d'achat encore sous pression. Pour 2026, nous anticipons une légère accélération de la croissance à 0,6%.
La croissance espagnole continuerait d’afficher un rythme nettement supérieur à la moyenne de la zone euro en 2025 à 2,8%. Hausse des coûts salariaux, inflation contenue par la baisse des marges et modération progressive de l’investissement public définissent le nouveau cadre conjoncturel espagnol. La demande intérieure reste le principal moteur de l’activité, soutenue par la résilience de la consommation privée et le dynamisme de l’investissement résidentiel et productif, alors que la consommation publique conserve un profil de croissance modérée. La demande extérieure, affaiblie par le ralentissement du commerce mondial et le tassement des exportations de biens, limitera sa contribution au PIB, malgré la solidité persistante des services. L’économie espagnole en 2026 entrerait donc dans une phase de normalisation graduelle du rythme d’expansion à 2%, plus en ligne avec son potentiel.
Au Royaume-Uni, une nouvelle austérité budgétaire en perspective
Après un premier semestre de croissance relativement forte, l’économie britannique va perdre de vitesse. La croissance de la consommation des ménages est faible et ses fondamentaux seront moins favorables à l’avenir. Les ménages devront compter davantage sur leur épargne afin de maintenir les dépenses. Le marché du travail se détériore et est donc moins propice aux augmentations des salaires. Le gouvernement doit annoncer de nouvelles hausses d’impôts et de taxes à l’automne. Le contexte demeure inflationniste et la BoE s’inquiète de la hausse des anticipations d’inflation des ménages. Les baisses de taux futures pourraient attendre.
Pour en savoir plus, découvrez notre publication Europe – Scénario 2025-2026 : des vents contraires se calment, d’autres se lèvent