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Grâce, notamment, à la bonne tenue du marché du travail et à une épargne encore abondante bien qu’entamée, la consommation des ménages a mieux absorbé qu’il n’était redouté les ponctions sur le pouvoir d’achat et les resserrements monétaires. La croissance a mieux résisté qu’anticipé. L’inflation sous-jacente également. Le scénario de décélération sans effondrement suppose une décrue lente de l’inflation soulageant les revenus et autorisant qu’un terme soit mis aux hausses de taux directeurs. Un terme que l’on espère proche et propice à une moindre inversion des courbes des taux d’intérêt.

Aux États-Unis, l’activité a bien résisté mais des fissures apparaissent. Elles se creusent à mesure que les effets répressifs du resserrement monétaire et financier se font sentir. L’investissement résidentiel s’est ainsi déjà violemment ajusté, l’investissement productif devrait à son tour se contracter sensiblement. Après avoir entamé leur réserve d’épargne et recouru au crédit, les consommateurs, qui ont assuré la résistance de la croissance, pourraient se montrer moins confiants et moins prodigues.

Si une tenue meilleure qu’anticipé de l’emploi peut autoriser un atterrissage en douceur, les « lézardes » laissent planer le risque d’une récession au cours du second semestre : une récession légère qui conduirait la croissance moyenne vers 1,2% en 2023, puis à seulement 0,7% en 2024. Ce ralentissement, finalement naturel, se fonde sur une hypothèse de poursuite du repli de l’inflation totale et, surtout, de l’inflation sous-jacente qui achèveraient l’année 2023 aux alentours de, respectivement, 3,2% et 3,6% avant de se rapprocher toutes deux de 2,5% fin 2024. Le risque pesant sur ce scénario est celui d’une inflation plus tenace que prévu conduisant à un scénario monétaire lui-même plus agressif qu’anticipé. 

En zone euro, le chemin vers la « normalité » est assez étroit. L’absorption de chocs aussi extraordinaires que la pandémie suivie d’une crise énergétique se traduit par un repli assez brutal du rythme de croissance : un repli qui n’est pas annonciateur d’une récession mais, plutôt, d’une normalisation des comportements promue (voire « aggravée ») par celle des politiques économiques qui passent d’un soutien exceptionnel à une orientation plus restrictive.

Le scénario est donc le résultat de forces contraires : le dénouement des tensions sur les chaînes de valeur mondiales et la baisse des coûts énergétiques fournissent un contre-choc positif et compensent, en partie seulement, le frein que les politiques économiques exercent sur l’activité. Fondé sur une inflation totale moyenne se repliant de 8,4% en 2022 à 5,5% en 2023 puis 2,9% en 2024, ce scénario se traduit par une croissance modeste, de 0,6% en 2023 et 1,3% en 2024, encore inférieure à son rythme potentiel.

Au sein de « l’univers émergent », loin de la reprise en fanfare espérée, la Chine peine à retrouver sa dynamique. Une crise de confiance profonde des ménages (crainte du chômage, épargne de précaution) et les turbulences irrésolues du marché immobilier continuent de justifier l’atonie de la demande interne. Celle-ci se traduit par une faiblesse telle de l’inflation que la déflation menace. Or, les autorités chinoises ne peuvent ignorer que la reprise ne tient pas ses promesses mais elles manquent encore d’outils de relance adaptés, propres à stimuler la consommation. La cible annuelle de croissance que les autorités avaient annoncée « autour de 5% » avec prudence devrait être atteinte (effets de base favorables) mais les doutes portent sur l’aptitude de la Chine à maintenir ce rythme, faute de moteurs capables de soutenir l’activité à moyen terme.
 

Le scénario de décélération sans effondrement suppose une décrue lente de l’inflation soulageant les revenus et autorisant qu’un terme soit mis aux hausses de taux directeurs. 


Quant aux pays émergents, considérés très globalement, à mesure que l’économie mondiale décélère et qu’une reprise chinoise modeste et plus orientée vers les services se dessine, une ligne de partage peut y être tracée selon leur degré d’ouverture. Alors que la croissance des grands pays à large demande intérieure a fait preuve d’une résistance excédant les anticipations, les locomotives habituelles, à savoir les pays plus avancés, plus ouverts et plus accrochés au cycle technologique mondial, sont un peu plus à la peine. Tous devraient cependant peu à peu profiter d’une lente « normalisation » monétaire, propice à un scénario de ralentissement sans fracas. 

Encore faut-il que soient enfin clairement atteints les pics des taux directeurs des grandes banques centrales. Si l’inflation totale a déjà enregistré une baisse largement mécanique, la résistance de l’inflation sous-jacente, elle-même alimentée par une croissance plus robuste qu’anticipé, a conduit les banques centrales à se montrer agressives. Sous réserve de la poursuite du repli de l’inflation, mais surtout de celui de l’inflation sous-jacente, le terme des hausses de taux directeurs serait (enfin) proche.

Après dix hausses de taux consécutives totalisant 500 points de base, la Réserve fédérale vient d’opter pour le statu quo (borne haute de la fourchette des Fed funds à 5,25%) tout en indiquant très clairement que de nouvelles hausses pourraient intervenir et en livrant un dot plot suggérant un resserrement supplémentaire de 50 points de base. Notre scénario économique central pour l’économie est moins optimiste que celui de la Fed et, à ce jour, la projection médiane du dot plot pour 2023 est agressive. L’environnement semble plaider en faveur d’une stabilité du taux directeur mais la probabilité d’une hausse limitée à 25 points de base, comme le suggère le marché, est élevée.

Quant à la BCE, elle devrait conserver une politique monétaire restrictive, voire très restrictive, au cours des prochains trimestres : la baisse de l’inflation est trop lente et sa convergence vers la cible loin d’être acquise. La BCE devrait donc remonter ses taux à deux reprises (en juillet et en septembre, portant le taux de dépôt à 4%) tout en poursuivant son resserrement quantitatif.

Enfin, en accordant la priorité à la lutte contre l’inflation quitte à prendre un risque sur la croissance, les stratégies monétaires ont contribué à limiter le désancrage des anticipations d’inflation et la sur-réaction des taux longs, mais promu des courbes de taux d’intérêt inversées et des rendements réels faibles voire négatifs.

Hors « méchante » surprise sur l’inflation, le risque de hausse des taux longs « sans risque » mais aussi d’écartement sensible des spreads souverains intrazone euro est limité. Celui d’une courbe durablement inversée bien réel. Notre scénario retient des taux américain et allemand à dix ans proches, respectivement, de 3,75% et 2,60% fin 2023.

Pour plus d’information, consulter notre publication : Monde – Scénario macro-économique 2023-2024 : une "normalisation" laborieuse

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