Les 80 ans des bons à 5 ans
Bon à 5 ans de 1942.
En 1942, l’état de guerre ne permet pas à l’agriculture française d’investir pour se moderniser et se développer. Pire, les destructions et la désorganisation font chuter la production globale. En parallèle, le Crédit Agricole voit un désengagement de l’Etat qui abaisse progressivement les financements qu’il apportait traditionnellement à l’institution via les avances de la Banque de France. Le Crédit Agricole se voit donc contraint d’inventer un nouveau produit pour financer les besoins de l’agriculture. C’est donc dans ce contexte qu’est créé le fameux bon à 5 ans qui, en plus de son apport indéniable pour accroître ses capacités de financement, sera pour le Crédit Agricole un puissant outil de transformation.
Affiche pour les bons à 5 ans (ill. Eric, 1948).
Un produit simple
Conçu par le contrôleur financier de la Caisse nationale, Gilbert Hervé-Gruyer, le bon à 5 ans s’inspire d’une expérience déjà menée auparavant par la Caisse régionale du Loir-et-Cher. Il s’agit d’un bon au porteur émis au taux de 3,25 % à 3,50 %, en coupures de 1 000, 5 000 et 10 000 francs. L’originalité est que les intérêts sont payables au moment de la souscription pour les deux premières années et à l’échéance pour les trois dernières. L’anonymat et l’exemption de taxe sur les valeurs mobilières en font un produit bien adapté à la mentalité paysanne de l’époque.
Les bons sont émis au nom de la Caisse nationale mais placés par les caisses régionales qui devinent rapidement l’intérêt de ce nouveau produit. La première année, en 1942, plus de 860 millions de francs sont souscrits. Deux ans plus tard, l’exercice voit la souscription de près de 1,8 milliards de francs. En 1950, ce sont 4,7 milliards de francs de bons à 5 ans qui sont placés et le succès ne s’arrête pas là puisqu’en 1959, les caisses régionales réussissent à faire souscrire pour 55,8 milliards de francs. Cet argent qui remonte de l’épargne rural permet donc de financer les prêts aux agriculteurs. Il sera d’autant plus utile qu’avec l’après-guerre les travaux de reconstruction nécessitent de gros investissements, notamment pour ce que l’on a appelé « la révolution du tracteur ». Les émissions de bons à 5 ans se poursuivent donc et il est intéressant de noter que ce produit est le premier du Crédit Agricole à bénéficier d’une forte campagne de publicité via de belles affiches en couleur. Certaines caisses régionales en font également la promotion dans des films destinés à leurs sociétaires.
A l’origine du renforcement du réseau du Crédit Agricole
Dans les années 1940, le réseau du Crédit Agricole était constitué des locaux des caisses régionales, des locaux des caisses locales (parfois chez de simples particuliers, soit le président, soit le secrétaire) et de bureaux auxiliaires dont beaucoup n’étaient que temporaires, ouverts le plus souvent les jours de marché pour permettre aux sociétaires de faire leurs opérations sur place.
Le placement d’un nombre grandissant de bons à 5 ans puis d’autres produits nouvellement créés oblige les caisses régionales à s’équiper peu à peu en personnel et en matériel. Nous sommes donc là à l’origine du réseau tel qu’il va se constituer pour devenir progressivement le premier de France en termes de guichets.
Enfin, comme on l’expliquait plus haut, l’Etat se désengage progressivement du financement du Crédit Agricole. Le fait que celui-ci puisse collecter lui-même ses ressources en faisant appel à l’épargne des Français le place en situation de conquête de son autonomie financière. C’est chose faite 1967 : la Caisse nationale peut gérer elle-même les ressources qu’elle collecte sans avoir à en déposer une partie au Trésor. Le Crédit Agricole est désormais autonome dans sa gestion financière.