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Il y a un an, les habitants de Shanghai sortaient à peine d’un confinement de deux mois, qui continue de marquer le cycle et les habitudes de consommation.

Loin de la reprise en fanfare espérée, l’économie chinoise peine à retrouver sa dynamique. Et la prudence des autorités, qui avaient annoncé que la cible annuelle de 5% de croissance nécessiterait beaucoup d’efforts, n’est finalement pas seulement de mise. 

Les données d’activité de mai dressent donc le portrait d’une Chine peinant à se relever des multiples crises qui la traversent : crise de la consommation, crise immobilière, crise démographique et maintenant inquiétudes grandissantes face au spectre d’une crise de la dette qui viendrait des collectivités locales. 

Ce que nous disent les données de mai

Déjà, que la croissance se rééquilibre, mais que cela n’est pas forcément une bonne nouvelle. Jusqu’ici, la faiblesse de la consommation avait été en partie compensée par des exportations très dynamiques. Ces dernières ont eu beau résister plus longtemps que ce qui était anticipé, notamment grâce à la demande venue du reste de l’Asie qui a compensé le ralentissement côté européen et américain, le retournement du cycle est maintenant engagé. 

Ce retournement se lit aussi dans les chiffres de la production industrielle. Les indices PMI, parus en début de mois, pointaient déjà le ralentissement de l’activité dans l’industrie, avec toutefois un peu plus d’optimisme dans les activités liées à l’exportation. Cela n’est pas contradictoire : les exportations ralentissent, mais demeurent à un niveau plus élevé qu’avant le Covid. La contribution nette du commerce extérieur à la croissance, en revanche, ne retrouvera sans doute pas son niveau de 2021 et 2022. 

Du côté domestique, la production ne peut profiter d’un regain de la demande, qu’il vienne des ménages ou des autres entreprises. Côté ménages, l’heure est de nouveau à l’épargne. Au premier trimestre, pourtant plus dynamique en termes de ventes au détail, les ménages ont accumulé près de 10 000 milliards de yuans (environ 1 300 milliards d’euros) sur leurs comptes. Leurs priorités ? Le désendettement - le stock de crédits habitat a diminué pour la première fois en vingt ans - , puis l’épargne, et enfin la consommation. 

Les autorités ont eu beau proclamer l’année 2023 « année de la relance de la consommation », la crise de confiance des ménages est profonde. Elle est renforcée par les turbulences du marché immobilier, qui ne sont toujours pas apaisées, et par la crainte que le chômage, déjà massif chez les jeunes, ne se diffuse dans le reste de l’économie. 

Face à ces difficultés, les autorités cherchent à soutenir l’économie, sans toutefois créer de nouvelles zones de faiblesse ou de nouveaux déséquilibres. 

Les autorités entre action et prudence

La banque centrale a surpris les marchés en baissant son taux de reverse repo à sept jours de 10 points de base (de 2% à 1,9%) en début de semaine, puis le taux à moyen terme (de 2,75% à 2,65%). Les marchés s’attendaient effectivement à un nouvel assouplissement de la politique monétaire, mais ne l’anticipait pas si tôt. Ces mesures pourraient être complétées par une baisse du taux des réserves obligatoires. Cette annonce a également pesé sur le yuan, qui a cédé du terrain face au dollar et se rapproche de nouveau du niveau historique qu’il avait atteint en novembre, à 1 dollar pour 7,3 yuans.

Cette fois-ci, en revanche, la devise chinoise est la seule à se déprécier face au dollar – fin 2022, le mouvement était global parmi les devises émergentes ou avancées, signe que les marchés réagissent par rapport à des tendances domestiques et non mondiales. 

Cette politique monétaire plus accommodante se justifie toutefois sur le plan macro-économique. La Chine ne connaît actuellement aucune tension inflationniste. Au contraire, le pays flirte depuis trois mois avec la déflation, en affichant un rythme de hausse des prix inférieur à 1% en glissement annuel (0,2% en mai). Les prix de production sont, quant à eux, en contraction depuis le début de l’année. La Chine souhaite aussi soutenir sa production de crédits, qui suit globalement la même tendance que le reste de l’économie : un rythme soutenu sur le premier trimestre de l’année, qui tend à rapidement décélérer depuis deux mois. 

Côté budgétaire, les équations sont plus délicates. Les discussions autour du surendettement de certaines provinces ou municipalités ont émergé ces dernières semaines, en pointant du doigt la structure même de financement de la sphère locale chinoise. Opaques, les véhicules de financement des provinces (les LGFV local government financing vehicle) ont surtout servi à apporter de la liquidité au secteur immobilier, aujourd’hui nettement à l’arrêt. Devant un modèle arrivant en bout de course, les autorités ne veulent pas reproduire les erreurs faites sur le marché immobilier, à savoir imposer des lignes rouges en termes de solvabilité et de liquidité, qui ont précipité une crise de liquidité dans le secteur. 

L’enjeu est donc de désendetter les collectivités locales, mais de manière graduelle, et surtout de se désengager de secteurs très consommateurs en capital, dans lesquels son efficacité s’est réduite ces dernières années, pour évoluer vers des dépenses plus sociales, comme l’éducation ou le soutien à la consommation. 

Le problème est que la Chine ne dispose pas pour l’instant des bons relais de politiques publiques dans ces domaines. Actuellement, les actions sont ciblées sur des mesures purement keynésiennes (bons d’achat à utiliser dans les magasins locaux) et court-termistes et non sur le développement d’un véritable filet de protection sociale, qui pourrait être déployé par l’État central, celui-ci bénéficiant encore de marges de manœuvre d’endettement.

Les autorités chinoises sont comme prises entre deux feux. Elles ne peuvent ignorer que la reprise ne tient pas ses promesses. Au contraire, elles l’avaient presque anticipé en indiquant que la cible de 5% nécessiterait de nombreux efforts. Jugée pourtant prudente, voire conservatrice, cette cible sera sûrement atteinte grâce à un premier trimestre solide et un acquis de croissance élevé, mais probablement pas largement dépassée, comme on pouvait l’attendre en mars. L’effet de réouverture de l’économie après trois années de Covid aura été de courte durée et le problème de confiance s’installe, en particulier chez les ménages qui ont accru leur épargne de précaution. Pour y faire face, la Chine manque encore d’outils adaptés et les « vieilles recettes » ont perdu de leur efficacité : les investissements massifs réalisés lors des deux dernières phases de ralentissement, en 2008 et 2015, ont conduit à une hausse rapide et massive de l’endettement de l’économie et le capital a perdu de son efficacité. À 300% du PIB, ce taux dépasse celui de la plupart des économies, avancées ou émergentes. Surtout, le décollage chinois étant encore récent, l’accumulation de capital en face de cette montagne de dette n’est pas encore suffisante pour s’autoriser ce niveau. La non-convertibilité du yuan et la fermeture du bas de la balance des paiements permettent toutefois de limiter les risques de crise de la dette, du moins comme résultante d’un choc externe. 

La Chine est bien consciente de ce problème de surendettement, et c’est ce qui explique aussi en partie la réaction limitée des autorités sur le plan budgétaire. Le canal local étant relativement bloqué par une crise immobilière qui peine à se résoudre, la solution viendra peut-être de l’État central, qui dispose encore de certaines marges de manœuvre. Sachant ses ressources limitées, la Chine effectue dans la douleur sa mue d’un modèle extensif (fondé sur l’accumulation de travail et de capital) à intensif (fondé sur une optimisation des ressources existantes) de croissance. Un passage nécessaire, mais pas toujours victorieux : le danger de la trappe aux revenus intermédiaires n’est jamais loin.

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