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À San Francisco, un déplacement de Xi Jinping aussi politique qu’économique

La rencontre tant attendue a eu lieu : Xi Jinping et Joe Biden ont échangé pendant plus de quatre heures en marge du sommet de l’APEC (Forum de coopération économique pour l’Asie-Pacifique) à San Francisco. Leur dernière rencontre datait d’il y a un an, lors du G20 indonésien à Bali. Une éternité dans le monde de la diplomatie, mais le déplacement de Nancy Pelosi à Taïwan et l’affaire des « ballons espions » avaient contribué à tendre un peu plus les relations sino-américaines. 

Si aucun communiqué de presse n’a été diffusé à l’issue de la séquence, les deux parties se sont félicitées de cette rencontre. Les États-Unis ont indiqué avoir obtenu des avancées sur la lutte contre les exportations de composés du fentanyl, drogue de synthèse ayant causé la mort de plus de 120 000 Américains cette année, et la réouverture des canaux de communication militaires. 

Aucune avancée notable, en revanche, sur les sujets les plus épineux. Concernant Taïwan, où des élections présidentielles auront lieu en janvier, la Chine, usant d’un ton très dur, a rappelé qu’elle « réalisera[it] cette réunification » que « rien n’arrêtera[it] celle-ci ». Xi Jinping n’aurait rien non plus obtenu sur les restrictions aux exportations dans le domaine des semi-conducteurs, alors que la Chine accuse les États-Unis de freiner son développement technologique dans ce secteur. Pas de discussion enfin sur le niveau des droits de douane réciproques, imposés durant la phase de guerre commerciale menée par Donald Trump, et restés inchangés même après la signature de l’accord de « phase 1 » entre les deux pays en janvier 2020.

La Chine doit se relancer pour attirer de nouveaux capitaux étrangers

Mais, au-delà de Joe Biden, c’est aussi les investisseurs américains que Xi Jinping est venu rencontrer. Un dîner de gala a ainsi réuni environ 400 chefs d’entreprises autour du président chinois. Avec des investissements directs étrangers (IDE) entrants en Chine devenus négatifs au troisième trimestre 2023 pour la première fois depuis le suivi de l’indicateur (en 1998), l’heure est surtout à l’apaisement économique. Après une phase attentiste, les entreprises étrangères investissant en Chine ont ainsi fait le choix de rapatrier leurs bénéfices plutôt que de les réinvestir dans le pays, signe qu’elles n’anticipent pas une amélioration substantielle du contexte macroéconomique et géopolitique à court terme. 

Hasard du calendrier, c’est ce moment qu’a choisi le principal fonds de pension américain (le Federal Retirement Thrift Investment Board), qui gère 771 milliards de dollars d’actifs pour près de 7 millions de retraités, pour annoncer qu’il comptait se désengager de tous les indices incluant des titres chinois ou hongkongais. Alors que les pressions politiques s’accroissent depuis cinq ans sur les gestionnaires de fonds américains, surtout quand ils sont liés à la puissance publique, les mauvaises performances des indices chinois depuis le début de l’année ont fini de convaincre certains d’entre eux. 

Les sorties de capitaux se sont ainsi accélérées depuis le début de l’année 2022, alors que les investisseurs anticipent un univers de taux durablement plus bas en Chine et durablement plus hauts aux États-Unis, même si les récents chiffres de l’inflation américaine ont alimenté l’espoir d’un desserrement monétaire plus rapide que prévu. 

Une conjoncture toujours peu lisible 

Du côté de l’activité, les données chinoises affichent toujours des performances en demi-teinte : aidées par un effet de base favorable, les ventes au détail (+7,6% sur un an en octobre) et la production industrielle (+4,6%) ont plutôt dépassé les attentes du consensus, mais l’investissement et le secteur immobilier continuent de décevoir, et ce malgré les dernières mesures de relance annoncées par les autorités. Une dichotomie qui se retrouve dans la consommation des ménages : si les dépenses en services et loisirs accélèrent, celles liées aux matériaux de construction se contractent. 

Le commerce extérieur poursuit également sa normalisation après deux ans de performances historiques : les exportations ont reculé de 6,4% en octobre sur un an, les importations de 4,5%, et le solde commercial est repassé sous la barre des 800 milliards de dollars, après avoir frôlé les 1 000 milliards en avril dernier. 

En déviant de sa cible habituelle de déficit budgétaire (3,8% du PIB en 2023 au lieu de 3%), Pékin a voulu envoyer le message que la stabilisation de la croissance restait une priorité. Mais, en ciblant des investissements dans les infrastructures, cette relance budgétaire ne cible pas les faiblesses structurelles de l’économie chinoise. La révision des prévisions de croissance du FMI pour 2023 et 2024 (5,4% au lieu de 5% pour 2023, 4,6% au lieu de 4,2%) intègre cette relance budgétaire de 0,8%, sans miser sur un véritable effet d’entraînement. 

Surtout, les indicateurs immobiliers, qui continuent de se contracter en octobre, témoignent de la profondeur et de l’ampleur de la crise de ce secteur et interrogent sur le niveau du « point bas ». Les superficies vendues en cumulé sur douze mois sont en baisse de 6,8%, contre 6,3% en septembre, les nouvelles constructions en repli de 24,1% (24,4% en septembre), ce qui signifie que l’heure est toujours à l’écoulement des stocks et surcapacités accumulés, plutôt qu’à la mise en route de nouveaux chantiers.

La rencontre Xi-Biden a eu lieu, et c’est déjà un progrès. En affichant son agenda, Joe Biden prenait le risque de revenir bredouille. Il a finalement obtenu des avancées sur les deux sujets mis en avant : la reprise du dialogue militaire, coupé depuis les aventures de Nancy Pelosi à Taïwan, et le contrôle des exportations de composants du fentanyl, qui continue de ravager les villes américaines, dont San Francisco. Sur le reste en revanche, les axes de coopérations Chine-États-Unis restent timides : une reprise des discussions autour du climat, mais rien sur les semi-conducteurs et encore moins sur Taïwan, où l’alliance surprise de deux candidats plus favorables à Pékin risque de compromettre les chances d’élection à la présidence du pays en janvier prochain de l’actuel vice-président Lai Ching-te, partisan d’une ligne plus dure vis-à-vis de Pékin. 

Au-delà du symbole, qui était important, Xi Jinping était aussi venu porter un message d’ouverture aux entreprises américaines, alors que les IDE entrants en Chine se sont contractés de manière inquiétante et que la Chine devrait perdre sa place de premier partenaire commercial des États-Unis en 2023 au profit du Mexique. Si le désengagement américain de Chine est encore difficile à mesurer, d’une part car la comptabilisation des IDE par nationalité est compliquée du fait de l’utilisation de holdings souvent situées dans des juridictions non-coopératives, d’autre part car la complexité des chaînes de valeur rend le traçage de chaque composant des biens manufacturés difficile, l’attention qui leur est portée par Xi Jinping souligne leur importance pour l’économie chinoise.
 

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