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La filiale Voyage Conseil* a été créée en 1970 et a cessé ses activités en 1988. Le souvenir en reste encore vif, chez certains anciens administrateurs et collaborateurs : le Crédit Agricole, grâce à elle, a été pendant quelques années un des principaux acteurs français de la vente de séjour touristiques.

Qualifié de « sourire du Crédit Agricole » par son directeur général, cette filiale a aussi eu un impact très positif sur l’image du Groupe. Alors que celui-ci met aujourd’hui en évidence son rôle dans la transformation de la société, un retour sur cette expérience originale montre que, même en-dehors du domaine bancaire, l’action du Crédit Agricole a été décisive pour l’ouverture au monde d’une part importante de la population française.

Le Crédit Agricole en dehors de la banque

Les décennies 1960 et 1970 sont, pour le Crédit Agricole, une période de grande extension de son champ de compétence : géographiquement, il peut intervenir dans des zones échappant de plus en plus au monde rural traditionnel ; pour le domaine financier, la création de filiales spécialisées et des autorisations de l’Etat lui permettent d’intervenir dans de nouveaux secteurs, du logement au financement d’exportations agricoles ; enfin, le Crédit Agricole teste des modes d’intervention en-dehors de la banque traditionnelle, du conseil en informatique avec la filiale Sincro au leasing avec Unicomi et Unicar. 

C’est dans ce contexte que la Caisse régionale du Puy-de-Dôme rachète en 1970 une grosse agence de voyage de Clermont-Ferrand. Intéressé, le directeur général de la Caisse nationale, Jacques Mayoux, décide d’en faire une filiale nationale : il étudie alors depuis plusieurs années les possibilités d’utiliser la force du réseau du Crédit Agricole pour diversifier son activité. Le modèle d’organisation retenu est complexe : le siège social reste à Clermont-Ferrand alors que les services administratifs s’installent à Paris ; le conseil d’administration est épaulé par un comité de liaison technique composé de huit directeurs généraux de caisses régionales choisies pour représenter de manière équilibrée les grandes régions françaises ; les caisses régionales prennent une participation au capital de Voyage Conseil et mettent à disposition de la filiale une « antenne technique locale » ; le marketing est quant à lui assuré par le département Promotion de la Caisse nationale. L’engouement des caisses régionales pour le projet est fort : de 18 adhérentes en 1972, on passe à 60 en 1977.

La direction de la société est confiée à Pierre Amalou qui apporte son expertise des métiers du tourisme. Ancien transitaire au Sénégal puis au Mexique dans les décennies 1950 et 1960, il est au moment de son recrutement le directeur général de Club Vacances. Il restera en poste jusqu’en 1980 et Voyage Conseil bénéficiera de sa vision et du positionnement particulier qu’il lui fait adopter.

Un impact sociétal indéniable

Une étude marketing est lancée en 1972 pour identifier la clientèle qui pourrait être intéressée par la vente de voyage dans le périmètre d’intervention du Crédit Agricole. Il s’avère que le potentiel est élevé puisqu’il s’agit d’une population qui n’avait jusqu’alors pas accès à ce type de produit, à savoir les agriculteurs et, plus largement, les ruraux. Encore faut-il réussir à lever les freins psychologiques qui, chez beaucoup, ne leur permettent pas d’envisager ce type de dépense et de loisirs. Le maillage serré des agences et le modèle relationnel du Crédit Agricole permettra alors de pénétrer ce marché en proposant de nouveaux produits sous la marque Voyage Conseil.

Le credo adopté par Voyage Conseil est alors le suivant : « Si l’on a pu dire que le Crédit Agricole a démocratisé la banque, on peut dire aujourd’hui que Voyage Conseil démocratise le voyage ». Deux marchés complémentaires sont alors ciblés pour atteindre cet objectif : il faut « ouvrir le monde au ruraux » et « permettre aux citadins français et étrangers de découvrir la France rurale […], la France verte ». Ce positionnement permet ainsi au Crédit Agricole de poursuivre deux objectifs : apporter un produit nouveau à sa clientèle traditionnelle située en zone rurale et enrichir ainsi son cadre de vie ; contribuer à la rentabilisation des équipements touristiques de la « France verte » dont le Crédit Agricole est bien souvent le financeur.

Pour assurer sa publicité, Voyage Conseil peut s’appuyer sur les agences du Crédit Agricole au sein desquels des conseillers en tourisme peuvent orienter les prospects. Des réunions pour les déposants et sociétaires sont également organisées dans certaines caisses régionales pour faire la publicité des voyages. Des films y sont diffusés pour donner « pour donner à chacun le goût de se déplacer ». De plus, Voyage Conseil prend en compte une des spécificités de la clientèle agricole et rurale : celle-ci, dans les années 1970, préfère voyager en groupes originaires d’une même commune ou d’une même région. Voyage Conseil peut donc s’appuyer sur le bouche à oreille grâce à ceux qui reviennent pour faire sa publicité. Sur ce dernier point, les investissements initiaux sont minimalistes : la publicité est alors vue comme un gaspillage par le directeur général Amalou. Il préfère s’appuyer sur catalogue édité deux fois par an, « très sobre et pas du tout accrocheur » et qui s’apparente plutôt à une collection de tableaux tarifaires. Des efforts seront faits plus tard dans ce domaine, avec notamment la publication d’une série de guides de voyages.

Du strict point de vue du nombre de clients voyageurs, les débuts de Voyage Conseil sont un succès fulgurant : entre 1973 et 1978, un peu plus d’un million de personnes sont parties grâce à ses produits. La transformation sociétale dont Voyage Conseil est l’initiateur peut être illustrée par le chiffre suivant : en 1978, plus de 50 % de ses clients sont agriculteurs ou retraités, c’est-à-dire des populations qui étaient alors peu touchées par les agences de voyage traditionnelles. Dans le même ordre d’idée, en 1974, pour 91 % des clients, il s’agissait « d’un baptême de voyage organisé » ! Un an plus tard, cette proportion descend déjà à 77 %. 

Cette puissance de pénétration du marché se vérifie également vis-à-vis de la concurrence : dès 1976, Voyage Conseil se place au deuxième rang des distributeurs de voyages organisés derrière Havas Voyage et au troisième rang des fabricants de voyages. Enfin, l’impact économique régional peut se mesurer en regardant le nombre d’aéroports locaux utilisés : de 15 en 1974, on passe à 50 en 1979. Pour beaucoup des clients de Voyage Conseil, le premier voyage est aussi un baptême de l’air.

La puissance du réseau

Les années 1980 voient le déclin progressif de Voyage Conseil. On peut supposer les causes suivantes : une organisation trop complexe au sein du Crédit Agricole ; une évolution des modes de consommation touristique ; enfin, une suite de procès intentés par le Syndicat national des agences de voyage qui estime que l’utilisation du réseau d’agences du Crédit Agricole est une concurrence déloyale. L’activité de la société cesse donc en 1988 mais le Crédit Agricole ne déserte pas pour autant le financement du tourisme.

Cependant, le bilan financier mis à part, cette expérience a été très positive pour le Groupe Crédit Agricole. Cette incursion dans le domaine touristique lui a donné une image « souriante », accueillante. L’apport de nouveaux produits à une population qui était auparavant exclue de ce marché lui a permis d’affirmer son rôle de transformateur sociétal. Enfin, cette utilisation du réseau pour une activité en-dehors de la banque a pu lui servir d’entrainement pour le déploiement futur d’autres services, dont l’assurance.


* Source de cet article :
Pascal Pénot, "La société Voyage-Conseil, le sourire du Crédit Agricole" in Hubert Bonin et Laure Quennouëlle-Corre (dir.), Explorer les archives et écrire l'histoire : autour de Roger Nougaret, Droz, 2022, pp. 603-624.

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