Le Crédit Agricole dans la Première Guerre mondiale
Les cérémonies commémorant l’armistice du 11 novembre 1918 sont l’occasion de revenir sur l’histoire du Crédit Agricole durant la guerre. Durant quatre années, il a été confronté à une conjoncture nouvelle pour lui qui a freiné son développement mais qui lui a aussi permis de montrer son utilité.
Un fonctionnement perturbé
En 1914, le Crédit Agricole est un organisme encore jeune : la création de la première caisse locale, à Salins-les-Bains, date seulement de 1885, la loi permettant la généralisation de ce modèle de sociétés de crédit agricole date de 1894 et les première caisses régionales, créées en 1899, n’ont qu’une quinzaine d’années. Quant à l’organe central, il n’existe pas encore réellement puisqu’il faudra attendre 1920 pour que naisse l’Office national du Crédit Agricole (ancêtre direct de Crédit Agricole S.A.). Il existe néanmoins une commission de répartition des avances de l’État dépendant du ministère de l’Agriculture qui fixe les grandes orientations.
La guerre perturbe l’organisation du Crédit Agricole. La mobilisation des hommes en âge de combattre ne laisse sur les exploitations agricoles que des femmes et des hommes âgés ou réformés. L’investissement, et donc la demande de crédits, chute. À cela, il faut ajouter l’indisponibilité de nombreux administrateurs, salariés et bénévoles ainsi que les déplacements de certaines caisses, comme celle de Reims, qui doivent fuir l’avancée des troupes allemandes. D’autres, du fait de l’absence du personnel, ont du mal à fonctionner : la Caisse régionale du Finistère ne peut plus tenir sa comptabilité à jour et celle des Côtes-du-Nord suspend pour un temps ses activités. Des femmes apparaissent alors pour participer à la gestion de certaines caisses régionales et locales, à l’image de Mme Trouvé en Seine-et-Oise.
Cependant, à partir de 1916, le Crédit Agricole se remet en ordre de marche. Cette année-là est notamment créée l’Inspection générale du crédit et des associations agricoles. L’État s’appuie aussi sur le Crédit Agricole dans divers domaines et notamment pour sa politique productiviste qui vise à soutenir l’effort de guerre : le Crédit Agricole va alors intervenir dans différentes mesures de financement.
Au service du pays
Tout d’abord, dans un « appel à tous les Français et à toutes les Françaises de nos campagnes », en 1917, différentes personnalités dont les quatre ministres de l’Agriculture qui se sont jusqu’alors succédé dans la Grande Guerre, incitent les Français à produire plus pour soutenir l’effort de guerre. Le Crédit Agricole, en plus de son rôle de prêteur classique à l’agriculture, intervient alors comme financeur de diverses mesures. Pour la première fois, il prête aux communes et aux départements, ainsi qu’aux coopératives, pour des travaux de remise en culture des terres abandonnées à cause des combats. Cependant, du fait de l’indisponibilité de la main d’œuvre, cette mesure sera plus efficace une fois la paix revenue.
Une mesure de plus grande ampleur est prise en 1918, avant la fin de la guerre. Il s’agit de la possibilité pour le Crédit Agricole d’accorder des prêts à faible taux à des mutilés de guerre pour qu’ils puissent acquérir, aménager ou reconstituer une petite exploitation. À cette occasion, le Crédit Agricole s’associe au service de la main d’œuvre du ministère de l’Agriculture pour la réalisation d’une brochure qui présente aux mutilés les moyens d’exercer à nouveau une activité en fonction de leur handicap. Cette action du Crédit Agricole entre pleinement dans son objectif de lutter contre l’exode rural et pour la dynamisation de l’agriculture française.
À la sortie de la guerre, le Crédit Agricole a donc fait la preuve de son utilité, y compris en période de crise et à destination de populations fragiles. Ses moyens d’action n’auront de cesse d’être ensuite augmentés avec toujours comme objectif de répondre à différents besoins de ses clients et sociétaires. Ainsi, dès 1920 il peut accorder des prêts aux artisans ruraux et, à partir de 1923, il peut financer les travaux d’électrification des communes rurales. Sa ligne de conduite, par ces mesures, est alors de lutter contre la désertification des campagnes.