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2022 restera-t-elle une année à part dans l’histoire chinoise, ou marquera-t-elle au contraire le début d’un lent déclin pour le pays ? Ces derniers mois, les études sur la capacité de la Chine à devenir la première économie mondiale se sont multipliées, laissant entendre que, loin de l’horizon des années 2030 prévu avant le Covid, la Chine pourrait ne jamais rattraper les États-Unis [1].

Cette thèse ne fait pas l’unanimité, mais les récentes nouvelles de Chine la confortent plutôt.

Un problème démographique 

En 2023, la Chine abandonnera déjà son statut de première puissance démographique. Le pays a perdu 850 000 habitants en 2022, en raison de la chute de la natalité, et ce malgré les assouplissements de la politique de l’enfant unique mis en place à partir de 2015. Le nombre d’enfants par femme est ainsi tombé à 1,15, très loin du seuil de 2,1 nécessaire au renouvellement d’une génération. 

À ce rythme, la Chine repasserait sous la barre du milliard d’habitants autour de 2075, et ne compterait plus que 672 millions de citoyens à la fin du siècle, reléguée à la troisième place derrière l’Inde et le Nigéria. Surtout, la baisse de la population intervient avec de l’avance sur les projections, qui la situait plutôt à partir de 2030. 

Les autorités, bien conscientes du problème posé par l’accélération de la transition, ont essayé de réagir en proposant des allocations ou un allongement du congé maternité aux futurs parents, mais rien n’y fait. Les femmes chinoises, déjà moins nombreuses que les hommes – elles ont été les premières victimes de la politique de l’enfant unique – font plus d’études, se marient plus tard (quand elles se marient) et présentent le taux d’avortement le plus élevé au monde. Et lorsqu’un enfant naît, son coût en matière de logement, d’éducation ou de santé est jugé bien trop élevé pour en avoir un second. 

Les enjeux économiques sous-jacents sont énormes. La Chine se heurte déjà à un gigantesque problème de financement des retraites, alors que les pensions pourraient passer de 5 à 20% du PIB dans dix ans et que la population active baisserait de trois millions par an. Alors que les femmes sont autorisées à partir à la retraite à 55 ans et les hommes à 60 ans, une réforme de l’allongement de la durée des cotisations, couplée au développement d’une retraite complémentaire par capitalisation, semble indispensable. Mais si ces mesures permettront – au mieux – de financer le régime des retraites, elles n’inverseront pas la courbe des naissances.  

Or, le facteur travail est clé dans tous les modèles de développement. S’en priver, c’est faire reposer la croissance future sur le capital, c’est-à-dire l’investissement, et la hausse de la productivité. La Chine est déjà confrontée à un problème d’efficacité du capital, en particulier dans le secteur public où les entreprises, souvent déjà surendettées, sont contraintes de dépenser toujours plus de ressources pour créer la même quantité de valeur. Son objectif était de surcroît d’évoluer vers un modèle de croissance moins dépendant de l’investissement, ce qui risque d’être plus difficile dans une société moins intensive en travail. 

La productivité est elle aussi affectée par la question démographique : si la Chine a encore largement l’espace pour monter en gamme dans les chaînes de valeur, et que la part de la population diplômée continue d’augmenter, le ralentissement du taux de renouvellement de la population active entraîne mécaniquement celui de l’absorption des nouvelles méthodes et technologies – et ce d’autant plus si les Chinois sont amenés à travailler plus longtemps. D’ici dix ans, 30% de la population aura plus de 60 ans. 

Confrontée à un problème de modèle, la Chine cherche donc les moteurs qui tireront l’activité l’an prochain. 

Un problème de croissance ? 

3%, soit 2,5 points de pourcentage de moins que la cible dévoilée en mars : si le chiffre était attendu par le consensus, les commentateurs l’ont largement commenté, s’agissant du deuxième taux le plus bas depuis 1976, après les 2,1% de 2020, première année du Covid. 

En cause, les mesures sanitaires bien sûr, qui ont provoqué une chute de la consommation privée – en particulier dans les services – et un blocage des chaînes logistiques. Les tests Covid, imposés à la population des villes toutes les 24h à 72h durant plus d’un an, auront à eux seuls coûté près de 2% du PIB à l’État chinois. Ironiquement, la légère embellie observée dans les chiffres de ventes au détail de décembre (-1,8% en glissement annuel quand le consensus anticipait une contraction de -8,6%) est venue de la peur des ménages qui ont massivement stocké nourriture et médicaments pendant la vague de contaminations de la fin d’année. 

Le comportement des consommateurs lors du Nouvel An lunaire donnera peut-être une première indication sur le niveau de dépense attendu en 2023, année de réouverture totale de l’économie. 

La reprise de la consommation privée sera le facteur clé pour la croissance, puisque la demande extérieure, qui avait tant soutenu la production industrielle en 2021 et 2022, s’est contractée en décembre pour le troisième mois d’affilé, avec des exportations en recul de 9,9% en glissement annuel. Ces dernières restent à un niveau élevé – autour de 300 milliards de dollars par mois, quand on était plutôt autour de 200 milliards avant le Covid, mais la Chine ne pourra plus compter sur une contribution positive du commerce extérieur à la croissance en 2022. 

Reste l’investissement, notamment public, qui devrait sûrement jouer le rôle de variable d’ajustement.

Le changement de discours des autorités suffira-t-il ?

On connaîtra en mars la cible officielle de croissance pour 2023. Celles dévoilées par chacune des provinces chinoises donnent cependant une forte tendance sur ce que devrait être l’objectif national. La plupart se situant au-dessus des 5%, c’est sûrement ce chiffre qui devrait être retenu. La Chine peut compter sur des effets de base favorables, notamment dans le secteur des services, mais l’État veut s’assurer du soutien du secteur privé. 

Ces dernières semaines, le discours des autorités s’est voulu plus rassurant vis-à-vis de l’économie. Deux secteurs, particulièrement secoués ces deux dernières années, semblent prioritaires. Le premier, c’est celui de la tech, qui avait été affaibli par les mesures réglementaires brutales et inattendues. Deux décisions symboliques ont ainsi été prises ces dernières semaines : Jack Ma, le président d’Alibaba, a été écarté d’Ant Group, bras financier de son entreprise. La suspension surprise de l’introduction en bourse d’Ant en novembre 2020 était considérée comme le premier signe de durcissement vis-à-vis du secteur. 

Didi, application (entre autres) de VTC chinoise, a quant à lui eu l’autorisation de relancer de nouvelles applications sur le marché, et surtout d’enregistrer de nouveaux utilisateurs. Ses ennuis avaient commencé quand l’entreprise avait manifesté l’envie de se faire lister aux États-Unis. Les autorités chinoises l’avaient alors accusé de ne pas protéger les données de ses utilisateurs chinois, et lui avaient infligé une amendé d’1,2 milliard de dollars. Magnanimes, les régulateurs chinois ont même déclaré qu’ils étaient prêts à examiner de nouveau les demandes d’introduction en bourse des entreprises chinoises à l’étranger, de facto suspendues depuis deux ans. 

La relance du secteur de la tech obéit à un double objectif : gagner en autonomie, alors que les mesures américaines sur le decoupling technologique se sont multipliées ces derniers mois, et offrir des débouchés aux jeunes diplômés, le chômage des 16-24 ans se situant toujours à un niveau élevé (16,7% en décembre).

Deuxième secteur en souffrance, l’immobilier, qui a lui aussi reçu un soutien plus franc des autorités. Marchant sur une ligne de crête, – elles ne veulent surtout pas se positionner comme prêteur en dernier ressort d’un secteur qu’elles considèrent comme largement responsable de son surendettement – elles ont toutefois indiqué la suppression des « trois lignes rouges » qui empêchaient les promoteurs les plus endettés de se refinancer et avaient donc conduit à la vague de défauts. 

Les banques ont aussi été invitées à débloquer des lignes de crédit afin de finir la construction des projets en cours, et le taux d’apport des ménages a été revu à la baisse dans certaines municipalités. Alors que l’immobilier dans son ensemble représentait environ 20% de l’économie chinoise, tout l’enjeu est de réussir un atterrissage en douceur qui réussisse à la fois à assainir le marché du côté des promoteurs tout en ne provoquant pas de choc trop important sur les prix, 78% des actifs financiers chinois étant placés dans le secteur.

Enfin, le budget 2023 devrait dévoiler un soutien budgétaire un peu plus large, notamment pour les municipalités privées des ressources liées à l’activité immobilière.

L’année 2023 s’annonce cruciale pour une Chine qui souhaite tourner la page désastreuse du zéro Covid et de ses conséquences. La gestion sanitaire et le flou qui l’entoure (incertitude totale sur le nombre de morts ces dernières semaines, par exemple) montrent toutefois que la transparence n’est toujours pas de mise dans le pays, ce qui n’est pas de nature à rassurer les investisseurs, échaudés par trois années sous cloche et sous contraintes. Le renversement du cycle démographique, l’accélération du decoupling technologique, la convalescence du secteur immobilier et la défiance des ménages qui ne consomment plus sont autant d’enjeux structurels dont la Chine a pris conscience mais auxquels elle ne peut ou ne sait pas encore apporter de solutions.
 

1  China's GDP will not surpass that of the U.S. (jcer.or.jp), China’s economy will not overtake the US until 2060, if ever | Financial Times (ft.com)

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