L’immobilier « vert » : enjeux, développements futurs et solutions d’investissement
L’immobilier constitue un secteur prioritaire en matière de décarbonation.
Le secteur de l’immobilier, qui contribue à hauteur d’environ 43% des consommations d’énergie et 23% des émissions de CO2 en France en 20211, a un rôle crucial à jouer en matière de décarbonation et de transition énergétique. L’immobilier durable, aussi appelé immobilier responsable, immobilier écoresponsable ou encore immobilier « vert », désigne un ensemble de solutions permettant d’appliquer les trois piliers du développement durable (environnemental, social et gouvernance) au secteur immobilier. De manière générale, l’immobilier peut être qualifié de responsable lorsqu’il tend à réduire son impact environnemental.
Quels sont les enjeux actuels de l’immobilier « vert » ?
L’immobilier « vert » s’inscrit avant tout dans une approche globale visant à assurer la pérennité des bâtiments et à améliorer le confort de vie des occupants. Ces critères de confort et de durabilité sont encadrés par un certain nombre de certifications et labels au niveau de l’immeuble dont l’objectif est de certifier les performances d’un bâtiment ou d’un matériau. La certification Haute Qualité Environnementale (HQE) permet d’identifier les bâtiments qui s’inscrivent dans une démarche de limitation de leur impact sur l’environnement tout en garantissant un environnement sain à leurs habitants. La certification Building Research Establishment Environmental Assessment Method (BREEAM), très développée dans les pays anglo-saxons, évalue les performances environnementales des bâtiments via des critères variés tels que l’impact sur la santé et la biodiversité, les dépenses énergétiques, le besoin en eau ou encore la gestion des déchets. En France, le label Effinergie+ s’intéresse à l’évaluation de l’isolation thermique et de la ventilation mécanique contrôlée (VMC). Les labels Haute Performance Energétique (HPE) et Très Haute Performance Energétique (THPE) attestent que le bâtiment atteint un niveau de performance énergétique plus élevé que celui défini dans la réglementation classique. Le label BBCA atteste de l’exemplarité d’un bâtiment neuf ou rénové en matière d’empreinte carbone.
Les critères de durabilité des bâtiments doivent être intégrés dès la phase de conception et de construction, grâce à l’emploi de ressources durables, voire recyclées. C’est ce qu’on appelle le réemploi ou l’économie circulaire. Un matériau durable doit laisser une faible empreinte environnementale, contribuer au développement local, et pouvoir être recyclé à la fin de sa vie. C’est ce qui permettra in fine de réaliser des bâtiments écologiques. En attendant le développement d’une véritable filière du recyclage des matériaux de construction, certaines initiatives œuvrent déjà en ce sens, telles que le Booster du réemploi, plateforme digitale pour la réutilisation de matériaux, notamment dans la rénovation de bâtiments. Citons également, par exemple, le « pacte bois biosourcés » signé fin 2020 par une trentaine de professionnels franciliens du BTP. Tous se sont engagés à réaliser 40% de leur production en bois et en biosourcés.
Les critères de durabilité impactent également le financement d’opérations immobilières. Depuis début 2021, une nouvelle réglementation sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers par l’Union européenne (SFDR, ou Sustainable Finance Disclosure Regulation – UE2019/2088), demande aux gestionnaires de fonds de détailler spécifiquement et quantitativement la manière dont ils tiennent compte des principales incidences négatives. La sensibilisation aux enjeux climatiques de l’ensemble des acteurs du marché immobilier s’avère en effet indispensable pour pérenniser la valorisation des actifs immobiliers sur le long terme. L’échec d’une telle démarche ferait peser sur les assureurs des coûts considérables provoquant des refus d’assurance, des exclusions sur certains types de garanties et dégraderait alors la valeur vénale des actifs. En complément de cette « nouvelle donne » réglementaire, la digitalisation (désintermédiation, rôle de la blockchain), le développement durable (classement des gestionnaires d’actifs selon des critères de réduction substantielle d’émissions de CO2 par million d’euros investis) ainsi que le calage de stratégies d’investissement et de réglementations en fonction des exigences environnementales, viendront accélérer la mutation déjà enclenchée du secteur immobilier.
Quels développements futurs ?
L’immobilier « vert » est ainsi voué à d’importants développements au cours de la prochaine décennie et au-delà. Dans le cadre de la réglementation environnementale 2020 (RE2020), en vigueur pour la construction de bâtiments neufs en France depuis le 1er janvier 2022, plusieurs mesures structurantes ont été définies afin d’atteindre les objectifs de la politique nationale énergétique : suppression progressive du gaz naturel dans les logements neufs, introduction de plafonds d’émissions de gaz à effet de serre, soutien à l’utilisation de matériaux biosourcés, etc. Dès 2025, la RE2020 actera la fin du chauffage au gaz dans les logements collectifs, faisant place à de nouvelles solutions technologiques comme par exemple les pompes à chaleur ou l’autoconsommation solaire. Dans le domaine de la location de logement, la loi climat et résilience de 2021 a défini un plan par étapes afin de lutter contre les passoires thermiques. Ainsi, à partir de 2025, les propriétaires ne pourront plus louer leurs logements classés G. Ce sera ensuite au tour des logements classés F en 2028, et enfin des logements classés E en 2034. Pour les bâtiments non résidentiels anciens, le décret tertiaire oblige les locaux de +1 000 m² à réduire leur consommation énergétique de 40% en 2030 à 60% en 2050 en les équipant notamment de panneaux photovoltaïques ou en végétalisant les toitures.
Quid des solutions d’investissement dans l’immobilier « vert » ?
En ce qui concerne les investissements dans l’immobilier vert, plusieurs solutions sont à l’heure actuelle envisageables. Mentionnons tout d’abord les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) vertes qui investissent dans des biens immobiliers durables ou s’engagent dans des projets de rénovation thermique. Une étude OID-ASPIM, publiée en mars 2022, indique qu’à fin décembre 2021, sur 43 milliards d’euros de SCPI labellisés, Amundi représentait le plus gros encours labellisé en France avec 16 milliards d’euros.
On peut notamment citer les SCPI Fair Invest qui intègrent uniquement à leur portefeuille des biens dont le diagnostic de performance énergétique (DPE) est supérieur à D ou encore PFO2 qui s’engage à améliorer les performances énergétiques de chaque immeuble détenu (baisse de 30% de la consommation d’eau et de 40% de la consommation d’énergie dans les huit ans suivant l’acquisition). Le recours au financement participatif est également possible et permet aux particuliers d’investir dans des projets d’immobilier durable via des plateformes spécialisées telles que Homunity, Anaxago ou encore Wiseed.
Une prise en compte du caractère « vert » maintenant incontournable pour tout investissement immobilier
Le secteur de l’immobilier commence à prendre le virage de la décarbonation, en adoptant des procédés de construction plus durables et plus écologiques pour les nouveaux bâtiments et en ayant recours à des mesures et des travaux de rénovation énergétique dans l’existant. Pour inciter les acteurs de l’immobilier à agir, des labels et certifications (BBC, BREEAM, HQE, Effinergie entre autres) ont été créés afin de valoriser les bonnes pratiques. Par ailleurs, depuis 2020, le label ISR (Investissement Socialement Responsable) a été étendu aux fonds immobiliers. Ce label permet de distinguer les fonds qui intègrent les enjeux ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) et respectent des critères comme la gestion des déchets et de l’énergie, la santé et la mobilité des occupants et le respect de la biodiversité. Enfin, l’urgence climatique rend aujourd’hui incontournable la prise en compte du caractère environnemental d’un actif immobilier dans toute stratégie d’investissement.
Quang Khôi Nguyen (Ingénieur Conseil BTP et Immobilier Crédit Agricole SA/ECO)
David Balussou (Ingénieur Conseil Energie Crédit Agricole SA/ECO)
Sandrine Lafond-Ceyral (Directrice de l’investissement responsable Amundi Actifs réels)
1 Source : https://www.ecologie.gouv.fr/construction-et-performance-environnementale-du-batiment