Pour une meilleure expérience de navigation et bénéficier de l'ensemble des fonctionnalités de credit-agricole.com, nous vous conseillons d'utiliser le navigateur Edge.
  • Taille du texte
  • Contraste

Le scénario continue de s’écrire à l’ombre de la guerre russo-ukrainienne : une guerre qui affecte évidemment les pays proches de l’épicentre du conflit mais aussi ceux qui en sont éloignés, au travers de ses impacts immédiats comme le renchérissement voire le risque de pénurie de matières premières énergétiques ou alimentaires.

Alors que l’effondrement économique russe n’est pas imminent et que les Ukrainiens font preuve d’une résistance sidérante, le scénario médian d’une guerre qui se prolonge paraît donc, malheureusement, le plus crédible. Si une surprise positive sur les négociations ne semblait pas possible jusqu’à récemment, elle est désormais plus envisageable mais pas au point de constituer le scénario privilégié.

Qu’elle provienne de la demande ou plutôt de l’offre, qu’elle soit accentuée violemment ou peu par le choc de la guerre en Ukraine, l’inflation mord. Qu’ils soient audacieux et presque achevés ou plus hésitants et contraints, les resserrements monétaires « piquent ». Les ressorts puissants de la reprise post-Covid se détendent et les économies s’apprêtent à flirter avec la récession selon des degrés variés d’intimité. Si des récessions violentes semblent pouvoir être évitées, cela tient, paradoxalement, aux amortisseurs hérités de la pandémie sous la forme, essentiellement, d’une épargne privée encore abondante et de marchés du travail assez résistants.

Aux États-Unis, un atterrissage en douceur ne peut pas être exclu. Mais notre scénario penche en faveur d’un ralentissement de la croissance manifeste dès 2022 (à 1,9% après 5,9% en 2021) et encore accentué en 2023 (à 0,5%) avec une légère récession en milieu d’année. L’inflation est élevée et ne décélèrera que lentement. Les piliers qui ont permis à une croissance soutenue (notamment de la consommation) de se maintenir au-delà des attentes s’affaissent progressivement : marché du travail tendu mais ralentissement des créations nettes d’emplois, croissance élevée des salaires nominaux mais perte de pouvoir d’achat impliquant des ponctions sur l’épargne accumulée durant la pandémie et des emprunts via les cartes de crédit, enquêtes auprès des entreprises orientées à la baisse, ralentissement de l’investissement non résidentiel et résidentiel. Or, il est vain de compter sur une action contra-cyclique des politiques budgétaire et/ou monétaire : la Fed a clairement indiqué qu’elle se concentrait sur l’inflation au prix d’endurer une récession à court terme et les élections de mi-mandat de 2022 ont « accouché » d’un pouvoir divisé, peu propice à une quelconque relance budgétaire.

En zone euro, à l’essoufflement naturel de la croissance post-pandémique s’ajoute le nouveau choc plus permanent qu’est la guerre en Ukraine. La lisibilité de la situation conjoncturelle est complexifiée par la succession des chocs : aux traces du choc passé (temporaire) se superposent les effets du choc nouveau (plus persistant). Qu’hérite-t-on de la pandémie ? Un marché du travail encore solide, un excès d’épargne substantiel mais largement entamé pour les ménages les plus modestes, une inflation que l’on espérait temporaire. Alors que le débat sur la nature précise de l’inflation et les responsabilités respectives de l’offre et de la demande n’est pas tranché, force est de constater que les tensions sur les chaînes d’approvisionnement diminuent, que la modération de l’inflation mondiale se diffuse mais que les effets de second tour sont visibles : la contagion de la hausse des prix de l’énergie via les coûts de production est patente avant même que ne soit incriminée une quelconque boucle prix-salaires. Qu’implique la guerre en Ukraine ? Un renchérissement des importations d’énergie qui, sur les neuf premiers mois de 2022 par rapport à la même période de 2021, correspond à 4,3 points de PIB. Les effets dynamiques de la dégradation des termes de l’échange, de l’inflation et de la perte de compétitivité sur les volumes d’exportation et les parts de marché vont se déployer progressivement et alourdir ce bilan. Notre scénario retient donc une décélération marquée de la croissance (à 0,1% en 2023 après 3,4% en 2022), mais aussi un rythme d’expansion durablement plus faible, en deçà d’une croissance potentielle elle aussi affaiblie.

Les ressorts puissants de la reprise post-Covid se détendent et les économies s’apprêtent à flirter avec la récession selon des degrés variés d’intimité.

En Chine, enfin, alors que la demande intérieure est grippée et que la croissance pourrait ne pas excéder 3% en 2022 (loin de la cible « autour de 5,5% » initialement prévue), l’inflexion concernant la politique zéro-Covid réjouit les observateurs rapidement enthousiastes. On objectera que son abandon n’a pas encore été officiellement acté par les autorités. On précisera également que l’accélération prévue de la croissance autour de 5% en 2023, avec une contribution externe nette au mieux nulle et un investissement encore freiné par la restructuration du secteur de l’immobilier, suppose notamment que l’État parvienne à créer un choc de confiance suffisant pour libérer une partie de l’épargne de précaution et stimuler la consommation.

En termes de politique monétaire, la priorité reste accordée à la lutte contre l’inflation. Or, peu importe la cadence à laquelle les économies se dirigent vers la récession, les banques centrales n’en ont pas fini avec l’inflation. Elles ne prendront pas le risque de baisser la garde trop vite et ce d’autant que l’inflation sous-jacente pourrait se révéler plus résistante que prévu. Le « pivot » tant espéré par les marchés sera moins le prélude à une baisse rapide qu’à une pause, accompagnée en outre de resserrements quantitatifs.

Aux États-Unis, après des hausses de taux agressives en 2022 totalisant 425 points de base portant la fourchette cible à 4,25%-4,50%, la Fed a signalé son intention de ralentir le rythme des hausses tout en précisant que le resserrement n’était pas parvenu à son terme. Il devrait se poursuivre durant le premier trimestre 2023 et porter la fourchette cible du taux des Fed funds à 5%-5,25%. Le retour durable de l’inflation vers l’objectif de 2% est un préalable à l’assouplissement qui n’interviendrait donc pas avant 2024.

En zone euro, la BCE s’est également engagée sur la voie du resserrement monétaire et a relevé son taux de dépôt, passant ainsi d’un niveau extrêmement accommodant à un seuil restrictif. Après avoir été assez agressif, le rythme de hausse serait ralenti et le taux terminal atteint dès mars 2023, avec un taux de dépôt sous les 3%. L’amorce du « quantitative tightening » en 2023 viendra compléter le dispositif. Enfin, le resserrement par les taux et les quantités s’accompagne d’un changement des modalités des TLTROs incitant les banques à rembourser ces crédits par anticipation : ce canal pourrait s’avérer le plus puissant en matière de durcissement monétaire. 

Inflation n’ayant pas encore rendu les armes, politiques monétaires déterminées à la combattre, récession en ligne de mire : tels sont les ingrédients clés du scénario de taux d’intérêt. Le redressement des taux longs reste lesté par des perspectives de croissances au mieux médiocres voire franchement faibles ; cela suscite une inversion des courbes modulée selon le degré de maturité du cycle économique et monétaire : franche aux États-Unis, modérée en Allemagne. Notre scénario retient ainsi des taux souverains américains à deux ans et à dix ans à, respectivement, 4,90% et près de 4% fin 2023, alors qu’ils se situeraient à, respectivement, 3,10% et 2,60% en Allemagne. 

Enfin, après avoir été soutenu par l’aversion au risque, une croissance sur-stimulée et un resserrement monétaire précoce et puissant aux États-Unis, le dollar a certainement fini de « sourire ». Récession même légère et pause monétaire aux États-Unis, aggravation des déséquilibres extérieurs américains, surévaluation du dollar, importance des positions acheteuses et interventions possibles sur le marché des changes destinées à l’affaiblir : la devise américaine devrait céder un peu de terrain en 2023.

Consulter notre publication Monde – Scénario macro-économique 2023-2024 : un retournement d'une nature inédite du 19 décembre 2022

Articles associés

Drapeau Chine Japon - Crédit Agricole 1re banque de France des Agriculteurs, particuliers professionnels agriculture entreprise - Actualité Banque
Economie
La Chine n’est pas le Japon des années 1980 et c’est à la fois une bonne nouvelle et un grand problème
15 avr. 2024
Monde – Scénario macro-économique 2024-2025
Economie
Monde – Scénario macro-économique 2024-2025 : normalisation(s) ?
10 avr. 2024
Chine : confiance, guerre des prix et crédibilité, les maîtres-mots de ce début d’année
Economie
Chine : confiance, guerre des prix et crédibilité, les maîtres-mots de ce début d’année
26 mars 2024
ROYAUME-UNI – Transition verte : point d’étape à mi-parcours
Economie
ROYAUME-UNI – Transition verte : point d’étape à mi-parcours
19 mars 2024
Chine : deux sessions, une cible de croissance et beaucoup de questions
Economie
Chine : deux sessions, une cible de croissance et beaucoup de questions
12 mars 2024
À l’approche des élections générales en Inde, Narendra Modi fait face à la colère des agriculteurs
Economie
À l’approche des élections générales en Inde, Narendra Modi fait face à la colère des agriculteurs
5 mars 2024

Si vous souhaitez exercer votre droit d’opposition au traitement de vos données personnelles à des fins de mesure d’audience sur notre site via notre prestataire AT internet, cliquez sur le bouton ci-dessous.