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Conflit Iran/Etats-Unis et prix du pétrole : jeu de dupes ?

Après l’assassinat ciblé du général iranien Soleimani par les États-Unis, le Moyen-Orient (fournisseur d’un tiers de l’offre mondiale en pétrole) est de nouveau sous les projecteurs. En guise de représailles, l’Iran a lancé des roquettes sur des bases militaires en Irak sans, néanmoins, atteindre des installations pétrolières, ni causer de pertes américaines. Les récentes déclarations de D. Trump après l’attaque iranienne suggèrent un apaisement des tensions entre les deux « belligérants », apaisement certainement temporaire, jusqu’à la prochaine crise... Si des tensions devaient croître à brève échéance, le monde devrait-il craindre une pénurie d’offre de pétrole ? En amont, deux scénarios sont envisageables : l’Iran peut délibérément attaquer des installations pétrolières dans la région et utiliser le pétrole comme une arme contre les États-Unis. La pénurie peut également être une victime collatérale des soulèvements orchestrés par l’Iran dans la région.

 

Une attaque sur des infrastructures pétrolières dans le golfe Arabo-persique provoquant une flambée des cours du pétrole, impactant le pouvoir d’achat de la classe moyenne américaine pendant une année d’élection présidentielle ? Ce pourrait être tentant. Elle donnerait en outre un petit coup de pouce aux revenus de l’Iran qui parvient toujours à exporter environ 200 000 barils de pétrole par jour. Toutefois, une telle attaque pourrait se révéler risquée en ayant seulement des impacts à court terme. Hormis l’Iran, les gros producteurs de pétrole dans le golfe Arabo-persique sont l’Arabie saoudite, l’Irak, les Émirats Arabes Unis (EAU), le Koweït et Oman. Mettre hors d’usage uniquement des installations pétrolières dans les EAU ou au Koweït en épargnant les capacités d’Arabie saoudite serait tactiquement peu efficace. Grâce à ses capacités excédentaires, l’Arabie saoudite pourrait compenser une partie ou la totalité des capacités endommagées. La destruction d’installations pétrolières saoudiennes aurait indéniablement un impact plus fort sur l’offre, le prix du pétrole et les bourses régionales, mais l’organisation d’une telle attaque serait à la fois difficile et risquée.

Après l’attaque de septembre dernier d’un site saoudien, on peut raisonnablement supposer que les installations critiques saoudiennes sont surveillées et protégées. L’Iran ne peut plus compter sur l’effet de surprise. Cette attaque a aussi mis en évidence les capacités d’organisation de l’Arabie saoudite propres à restaurer rapidement une partie des capacités endommagées : une telle issue serait de nouveau probable. Par ailleurs, on peut raisonnablement estimer que toute attaque militaire revendiquée par l’Iran contre les installations saoudiennes déclencherait une pluie de missiles américains sur l’Iran en guise de représailles.

 

L’Iran peut, une fois de plus, menacer de bloquer le détroit d’Ormuz. Outre les questions de faisabilité technique d’une telle opération sur ce détroit stratégique, la mise à exécution de ses menaces paraît peu probable. À plusieurs reprises (dans les années 80 pendant la guerre Iran/Irak, au début des années 2010 et plus récemment), l’Iran a déjà proféré de telles menaces sans jamais passer à l’acte. Même s’il est techniquement faisable, le blocage complet du détroit d’Ormuz gênerait moins les États-Unis que d’autres gros consommateurs de pétrole comme la Chine, pays membre du Conseil permanent de sécurité avec la Russie pas farouchement opposée au régime iranien. Par ailleurs, grâce au développement du pétrole de schiste, les États-Unis sont moins exposés aux importations de pétrole en provenance du Golfe et moins vulnérables aux désordres du Moyen-Orient. Enfin, une telle opération navale par l’Iran donnerait, très vraisemblablement, le prétexte tant attendu par les faucons américains pour déclencher une opération militaire d’envergure contre un pays de « l’Axe du Mal ».

En revanche, l’Iran est susceptible de continuer à promouvoir des actions de guérilla par procuration où il excelle en Irak et au Yémen, en s’appuyant sur les milices qui lui sont loyales. Une telle stratégie forcera les États-Unis à augmenter le nombre de soldats au Moyen-Orient et conduira au départ des travailleurs expatriés des compagnies pétrolières étrangères, avec probablement des impacts sur la production irakienne de pétrole. Chevron et CNPC (la compagnie nationale pétrolière chinoise) ont déjà annoncé le retrait de leur personnel expatrié opérant en Irak. L’Iran devrait toutefois faire preuve de retenue, pour éviter toute réaction excessive de la part d’un président américain d’autant plus irascible qu’il est en pleine campagne électorale.

 

Deux scénarios sont donc imaginés. Notre scénario central se base sur une baisse progressive de la prime de risque géopolitique sur le prix du pétrole. Dans un climat d’apaisement et sans action militaire significative frappant une installation pétrolière, le prix du pétrole dépendra essentiellement de l’offre et de la demande. Le risque d’une tendance baissière liée à un possible essoufflement de la croissance économique mondiale sur 2020 est maintenu et conduit à retenir un prix moyen de 62 dollars par baril en 2020 (56 en 2021).

Moins probable, notre scénario alternatif considère une importante pénurie de pétrole au Moyen-Orient début 2020, déclenchant une flambée du prix du pétrole sur les trois premiers trimestres de 2020. Cette envolée redynamisera les activités de forage aux États-Unis, comme en 2018. Ce regain d’activité provoquera une augmentation de l’offre, suscitant une correction des prix du pétrole sur 2021 comme cela avait été le cas au quatrième trimestre 2018. Ce scénario conduit à émettre l’hypothèse d’un prix moyen de 79 dollars le baril en 2020 (58 en 2021).

 

 Stéphane Ferdrin - stephane.ferdrin@credit-agricole-sa.fr

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