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L’agenda multilatéral indien s’annonce très chargé en 2023, puisque le pays assure la présidence du G20 mais aussi celle de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Un double rôle témoignant bien de la position ambiguë entretenue par l’Inde sur la scène internationale.

Côté G20, l’Inde se veut l’avocate des pays du Sud, notamment sur les questions de surendettement et appelle à « une mondialisation qui ne crée pas de crise climatique ou de crise de la dette ». Une critique à peine dissimulée à la Chine, plus grand créancier du monde, qui refuse toujours de coopérer avec le Club de Paris et de partager ses données. La plupart des contrats signés avec les autres pays émergents contiennent même des clauses de non-divulgation ou des clauses d’exclusion du Club de Paris, ce qui complique un peu plus les négociations.

Côté Organisation de coopération de Shanghai, l’Inde veut porter des thèmes beaucoup plus sécuritaires, liés à la souveraineté internationale et à l’intégrité territoriale, visant encore une fois la Chine. Les tensions le long de la frontière dans la région des hauts plateaux du Ladakh se sont encore intensifiées en fin d’année et ont donné lieu à des échauffourées entre les deux armées. 

Bien sûr, c’est la position de l’Inde vis-à-vis de la Russie qui suscite le plus de commentaires : membre des deux organisations, la Russie n’a pas participé au dernier sommet du G20 à Bali et la présence de Vladimir Poutine au sommet de Delhi en septembre prochain reste à confirmer. Le Premier ministre indien, Narendra Modi, a renoncé à tenir son traditionnel sommet bilatéral avec le président russe.

Il n’empêche que les importations de l’Inde depuis la Russie ont explosé depuis un an, passant de moins de 2% à plus de 8% des importations totales, en raison des achats massifs de pétrole, pour lesquels l’Inde bénéficie d’un prix très attractif. Les exportations indiennes vers la Russie sont quant à elles restées stables et le déficit commercial bilatéral s’est donc nettement creusé. L’Inde paie ainsi le prix de sa dépendance historique au pétrole (30% des importations totales au quatrième trimestre 2022), qui n’a fait que se déplacer des pays du Golfe vers la Russie.   

L’accès à un pétrole moins cher n’a pas un intérêt que pour les comptes extérieurs. Il a également permis au pays de maîtriser un peu mieux la trajectoire de l’inflation. Alors que les transports et les produits énergétiques comptent pour environ 15% de l’indice des prix (près de 50% du panier étant dédié aux produits alimentaires), le taux d’inflation est resté relativement contenu, sous la barre des 8%. 

En décembre, la hausse des prix atteignait 5,7% sur un an, un niveau moins élevé que celui de la zone euro (9,2%). Cela a aussi permis à la banque centrale indienne de mener une politique monétaire plutôt accommodante, en relevant ses taux de manière très graduelle (+225 points de base depuis avril 2022, répartis en cinq hausses, pour atteindre actuellement 6,25%), afin de ne pas trop peser sur l’activité économique et la production de crédits, très dynamique cette année (+15% sur un an). 

Si le prix de l’énergie n’explique bien sûr pas tout – l’Inde a aussi profité de son statut d’économie relativement fermée et a donc été moins affectée par l’inflation importée – les ristournes russes ont nécessairement aidé. Elles ont également permis à l’État de faire des économies, puisque ce dernier consacre 1,9% du PIB aux subventions pour l’agriculture, l’énergie et les engrais, un chiffre qui s’ajuste en fonction des prix de ces trois composantes. Et le ministre des Finances aura certainement cela en tête, lorsqu’il présentera son budget le 1er février prochain. 

Les chiffres de croissance de l’année fiscale 2022/2023 ne seront pas connus avant mars prochain, mais le gouvernement table sur une progression de l’activité voisine de 7%. Un niveau envié par de nombreux membres du G20 ou de l’OCS, dont la Chine. L’Inde compte sur « son » année du G20 pour se placer au centre de la scène internationale et défendre un agenda très ambitieux. Sur le plan économique, le pays se veut donc l’avocat du reste du Sud, sur les questions d’endettement, d’aide au développement et de climat. Mais l’Inde souhaite aussi profiter de la grande réorganisation commerciale du monde, et notamment du découplage qui s’opère dans le secteur des semi-conducteurs en attirant de nouveaux investisseurs. Dernier en date, le taïwanais FoxConn qui, allié au conglomérat indien Vedanta, va investir 19,5 milliards de dollars pour développer des usines de production dans le Gujarat. 

Cette stratégie de « multi-alignement » conceptualisée par le ministre des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, vise donc à dialoguer avec tout le monde, tout en servant au mieux les intérêts de son pays. Elle n’est finalement pas nouvelle et s’inscrit dans la lignée des « non-alignés » des années 1950 qui refusaient déjà de choisir entre bloc soviétique et bloc américain. Mais, à l’heure où le monde se polarise de plus en plus et où chaque bloc tente de se replier sur des alliés de confiance, des partenaires sûrs, cette stratégie est aussi périlleuse. L’Inde a beau être devenue la première puissance démographique mondiale et la cinquième économie mondiale (« Nous laissons derrière nous ceux qui nous ont dirigés pendant deux-cent-cinquante ans » a sarcastiquement commenté Narendra Modi), elle demeure encore une économie pauvre et un partenaire commercial de second rang pour la plupart des économies. La fenêtre de tir est donc réduite, car chacun des blocs pourrait finir par s’agacer de cette neutralité qui n’en est pas une. Et ce, d’autant plus que, pour un investisseur, l’Inde représente toujours un enfer administratif et bureaucratique dans lequel le manque d’infrastructures et de connectivité limite encore les possibilités. À Narendra Modi de profiter de son année sous les feux des projecteurs pour démontrer le contraire.

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