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Les flux d’investissements directs étrangers dans le monde vont constituer, avec les échanges commerciaux, les signaux les plus objectifs du rythme et des orientations que prendra la sortie de l’hyper-globalisation.

En fait, ce sont ces investissements, et particulièrement la catégorie dite « greenfield » des nouveaux investissements, qui vont redessiner le terrain de jeu d’une mondialisation désormais marquée par les impératifs de souveraineté nationale, de transition énergétique mais aussi de risque de réputation. 

Or, les grandes tendances en train d’émerger lentement (d’autant que les chiffres arrivent également lentement) en matière d’investissements directs, sont pour l’instant au détriment des pays les moins avancés – mettons de côté les pays qui bénéficieront d’une nouvelle rente liée aux ressources essentielles à la transition climatique. Rappelons qu’en 2020, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le G20 concentrait déjà 59% des flux d’investissements directs mondiaux en valeur, contre 19,7% pour les fameux BRIC – dont il va falloir désormais enlever le R. En termes de pays, la carte est cependant différente puisque la Chine était juste derrière les États-Unis, avec respectivement 149 et 156  milliards de dollars reçus.

Si les investissements directs se concentrent dans les pays développés …
 

Si la concentration des flux d’investissements directs sur les pays les plus développés se confirmait dans les années à venir (car, prudence, nous sommes dans un environnement fluctuant en matière stratégique, que ce soit pour les États ou les entreprises), cela voudrait dire évidemment que les moins avancés doivent revoir leurs modèles de développement. Car, depuis cinquante ans, non seulement les investissements directs sont une part essentielle de l’effort d’investissement dans de nombreux pays émergents, mais les stratégies de « décollage » des gouvernements restent aussi très influencées par cette idée que l’ouverture des économies en est la clé, ainsi que l’intégration dans la chaîne de valeur mondiale. Décollage signifie toujours, plus ou moins, rattrapage. Paradoxe de l’histoire, reviendrons-nous donc, dans certains pays, aux vieilles recettes des années 60, quand de grands pays comme l’Inde ou la défunte Union soviétique cherchaient dans l’État, la planification et la politique industrielle centralisée les ressorts d’un développement autonome ? … 

Il faut dire qu’en 2020, l’impact du choc sanitaire a été beaucoup plus brutal que la crise de 2009 sur les flux d’investissements directs dans le monde, la CNUCED estimant la chute annuelle à 35% en valeur, ramenant ces flux au plus bas depuis 20051. En fait, c’est bel et bien sur ce segment de la mondialisation que le choc sanitaire a été l’un des plus forts, plus que sur la production ou le commerce. Aujourd’hui, les perspectives d’une reprise sont par ailleurs très modérées, 57% des investisseurs restant optimistes à trois ans contre 72% en 2020. Surtout, le choc sanitaire a été particulièrement rude pour les nouveaux investissements qui n’ont pas connu, sur la fin de 2020 et en 2021, la même reprise que d’autres segments d’investissement, comme les fusions-acquisitions par exemple, notamment dans le secteur des nouvelles technologies et des communications – c’est d’ailleurs ce qui a porté les investissements en Inde. 

La chute des nouveaux investissements dans les pays les moins avancés
 

C’est justement sur ce créneau du greenfield que la différence a été la plus nette entre les pays développés et les autres, la chute étant respectivement de 19% pour les premiers contre 42% pour les pays en développement. La zone la plus touchée, toujours sur ce segment des nouveaux investissements, a été l’Afrique, notamment dans le secteur manufacturier (clé pour le développement) avec une chute de 75% contre 46% en Amérique latine et 40% en Asie. 

Malheureusement, d’autres facteurs s’ajoutent aujourd’hui, à la fois conjoncturels et structurels, qui pointent tous vers une concentration possible, dans les années à venir, des flux d’investissements directs sur les pays plus développés. Ainsi, la cartographie des déterminants essentiels dans les choix des investisseurs dessine-t-elle de nouveaux avantages comparatifs qui ne reposent plus, ou beaucoup moins, sur de faibles coûts salariaux2

Trois facteurs se détachent en tête : la fiscalité, la capacité à innover et la gouvernance. La taille du marché ou les coûts salariaux viennent bien après. Or, si les pays les plus développés ne sont pas forcément devant en matière d’attractivité fiscale, ils le sont globalement sur les autres facteurs, et l’importance des critères de RSE va encore renforcer leurs avantages – cela d’autant plus que les entreprises multinationales, très concernées par la RSE, sont également les premiers investisseurs mondiaux, avec 47% du total des investissements directs en 2020. 

Paradoxe d’une finance verte dont la tendance naturelle serait donc de renforcer les écarts de développement – il va falloir être très attentif à cela, d’autant que les pays les moins avancés sont également, double peine, les plus touchés par les effets du réchauffement climatique. On a bien vu, à la dernière COP, à quel point la question de la justice climatique s’annonce comme l’une des clés opérationnelles de la transition, entre les pays et au sein des pays.

Les pays les plus avancés en tête des classements d’attractivité
 

L’indicateur Kearney FDI index, fondé sur des enquêtes de confiance à trois ans de décideurs, montre ainsi une concentration de pays développés dans les dix premiers pays les plus attractifs, la Chine passant, en revanche, de la 8e à la 12e place entre 2020 et 2021. On notera néanmoins que les Émirats arabes unis remontent dans le classement et passent même juste devant Singapour, à la 15e place, ce qui semble valider, au moins dans les anticipations des investisseurs, leur volonté de devenir un nouveau pôle d’attractivité dans le paysage global des investissements mondiaux. Ils gagnent d’ailleurs aussi six places dans le classement de la CNUCED des pays qui investissent le plus à l’étranger, en tête des pays arabes. 

Dernier facteur en date qui peut aussi renforcer la concentration des flux d’investissements directs vers les plus développés, l’automatisation des économies. En effet, la réorientation des modèles de développement vers une digitalisation accélérée rend totalement stratégique la question du contrôle des données, pour les États ou pour les entreprises, que ce soit pour la localisation des investissements ou pour la génération des revenus. Or, de nombreuses études ne cessent de pointer la multiplication de nouvelles lois de contrôle des données par les États, notamment par des obligations de stockage sur le territoire national, voire d’interdiction de transfert. Selon le Data Catalyst institute, 71% des investisseurs sont désormais touchés par un « data nationalism », qui ne concerne d’ailleurs pas que les pays les moins avancés…

En conclusion, beaucoup de facteurs structurels risquent de jouer au détriment de l’attractivité des pays les moins avancés dans les années à venir, auxquels il faut ajouter, pour de nombreux pays, l’impact conjoncturel négatif du conflit en Ukraine et de l’inflation. Dans ce contexte, le rôle de la Chine, qui était en 2020 le premier pourvoyeur d’investissements directs, va évidemment être essentiel pour les pays les moins avancés, qu’elle choisisse, ou non, de préserver son déploiement économique à l’international.

1 https://unctad.org/system/files/official-document/wir2021_en.pdf
2 https://www.kearney.com/foreign-direct-investment-confidence-index

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