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Monde – Scénario macro-économique 2020-2021 : un équilibre délicat

Un rapide survol de la conjoncture mondiale révèle un ensemble de craquements concomitants et épars plus qu’il ne livre un faisceau d’indicateurs convergents annonçant une grande rupture.

Si rien ne suggère actuellement une chute imminente des rythmes de croissance, un climat anxiogène toujours plombé par une incertitude délétère et un investissement productif en repli (selon des rythmes variés) concourent à leur fléchissement.

La résistance des ménages, aidée par une inflation faible et des conditions financières favorables, devrait amortir le repli du cycle, sous le regard attentif (et bienveillant) des Banques centrales.

Bon premier parmi les sources d’incertitudes, le conflit commercial sino-américain semble n’être plus voué à une escalade inexorable à brève échéance. L’accord dit de « phase 1 » (dont les détails exacts sont encore loin d’être connus) doit être signé en janvier (une signature dont D. Trump, président en campagne, s’enorgueillira certainement bruyamment). Cet accord permet d’espérer une pause dans la guerre tarifaire, mais ne préjuge pas de la pacification des relations sino-américaines. Il n’immunise pas contre le déplacement des tensions sur d’autres sujets délicats : réforme des entreprises publiques chinoises, subventions, propriété intellectuelle, situation à Hong Kong, élection présidentielle à Taïwan.

Par ailleurs, le Brexit devrait (enfin) avoir lieu le 31 janvier 2020. Or, les Britanniques souhaitent voir définis les détails du futur partenariat avec l'Union européenne (dont un accord de libre-échange) d’ici la fin de l’année 2020 : soumettre les négociations à un calendrier aussi ambitieux va générer des doutes sur la qualité de la relation à venir. Le risque d’un « Brexit sans accord commercial » va se substituer à celui d’un « Brexit sans accord ».

 

Les tensions politiques, géopolitiques et l’incertitude peuvent donc temporairement s’apaiser, mais n’ont pas vocation à disparaître durablement et continueront de peser sur le comportement d’investissement.

L’investissement productif a fait preuve de résilience, mais un mouvement de repli se dessine. Justifié par l’incertitude sur la demande future, largement issue des inquiétudes relatives au commerce mondial, le repli est à la fois étrangement « prématuré » et encore contenu. Prématuré en ce qu’il n’intervient pas à la suite d’une dégénérescence classique du cycle, contenu en ce qu’il n’est pas encore généralisé et violent. La zone euro, fragmentée selon le degré d’exposition des pays au commerce mondial et au secteur manufacturier, fournit une bonne illustration. Après plusieurs années d’investissement faible, les entreprises se préparent à affronter le ralentissement sans capacités excédentaires (dont témoigne un taux d’utilisation des capacités en repli mais encore élevé) et semblent attentistes, ne répondant à l’érosion de leurs marges ni par un arrêt brutal de leurs dépenses en capital, ni par une réduction drastique de l’emploi.

 

Ce n’est pas sur l’investissement productif (ni sur le commerce mondial plus sensible à la croissance de l’investissement qu’à celle de la consommation) qu’il faudra compter pour soutenir la croissance : celle-ci reposera clairement sur les ménages.

Le marché du travail poursuit son ajustement à des rythmes divers et le recul des créations d’emplois ne se traduit pas encore par une remontée sensible du taux de chômage. La consommation devrait, en outre, être dopée par des salaires en légère progression et des gains de pouvoir d’achat entretenus par une inflation toujours très modérée. L’inflation sous-jacente restera faible, alors que, sans un sursaut de la demande de pétrole ou une extension de l’accord OPEP+ visant à réduire la production, les prix du pétrole pourraient se retrouver confinés sous les 60 dollars dès le second semestre 2020.

Si la consommation des ménages permet d’espérer un ralentissement et non un effondrement de la croissance, l’équilibre entre emploi-salaires-marges est néanmoins délicat. Dans un climat incertain, confrontées à un ralentissement des gains de productivité et à une érosion de leurs marges, les entreprises pourront-elles résister longtemps à un ajustement sévère de leurs coûts se traduisant par une réduction de l’emploi ? Si les entreprises ne procèdent pas à cet ajustement douloureux pour la croissance, les marchés actions pourraient bien entreprendre une révision à la baisse de leurs perspectives de profits.

 

Alors que les grandes Banques centrales ont entrepris des revues stratégiques de leurs politiques respectives, la tentation de l’assouplissement monétaire restera donc puissante.

La Federal Reserve devrait finir par y succomber : notre scénario retient l’hypothèse d’une nouvelle baisse du taux des Fed Funds préventive et limitée à 25 points de base en 2020. La Banque centrale européenne n’y résistera pas : aucune hausse de taux (voire une baisse du taux de dépôt de 10 points de base, intégrée dans nos prévisions en 2020), extension du Quantitative Easing avec une augmentation de la limite de détention d’un titre de 33% à 50%, forward guidance. La Banque d’Angleterre y cédera également. Seule la Banque du Japon, qui connaît les dommages collatéraux des excès, ne serait pas tentée.

 

Tout concourt, de nouveau, au maintien de taux longs « core » désespérément faibles : matérialisation des ralentissements économiques, inflations indolores, politiques monétaires accommodantes, climat empreint de risques avérés ou latents. Ce ne sera pas pour déplaire aux primes de risques des marchés obligataires « périphériques » et aux marchés actions : de leur résistance dépendent l’effet de richesse et la consommation des ménages, ingrédient essentiel d’un scénario de ralentissement et non d’effondrement de la croissance.

 

Catherine LEBOUGRE - catherine.lebougre@credit-agricole-sa.fr

 

Pour plus d’information : Monde – Scénario macro-économique 2020-2021 : un équilibre délicat – 20 décembre 2019

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