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Plan de relance européen : opportunités, contraintes et risques

Avec le vote du Parlement européen en poche, le plan de relance Next Generation EU (NGEU) affronte la phase de ratification des gouvernements nationaux, sans crainte, avant que ne soient envisagées les premières émissions communes de titres pour financer le plan. Entretemps, les États se mobilisent pour fournir, en avril, la version définitive des Plans nationaux de relance et les inscrire dans leur programmation budgétaire pluriannuelle.

Europe

Ce processus se déroule dans une phase de « récupération » du consensus en faveur du projet européen et des institutions communautaires, récupération qui n’est toutefois ni définitive ni structurelle. Sa durabilité dépendra des résultats du NGEU, qui conduit la destinée de l’Union européenne (UE) à un véritable carrefour. Le NGEU n’est en effet pas seulement un levier pour permettre la reprise post-Covid, mais c’est aussi un instrument pour diffuser le succès des économies plus dynamiques aux économies plus en retard, un levier de développement inclusif visant la réduction de la polarisation économique que la crise de 2008-2011 avait accentuée et que la crise actuelle risque d’exacerber encore, avec le risque d’alimenter de nouvelles tensions entre les États.

 

Le niveau « élevé » de la réponse apportée par les États réunis au sein du Conseil autour d’une relance commune est aussi une riposte stratégique pour réactiver et optimiser le moteur interne de l’UE, pour piloter une remise à niveau technologique du continent autour d’un projet capable de mettre en cohérence croissance, soutenabilité, mobilité sociale et consensus démocratique. C’est la possibilité d’enfin concrétiser la promesse de la stratégie de Lisbonne de transformer l’Union en l’économie de la connaissance la plus dynamique au monde. C’est aussi l’abandon de stratégies court-termistes cantonnées à limiter les risques nationaux sans exploiter les potentialités communes. C’est enfin une prise de conscience de la nécessaire maturation de l’expérience européenne dans un scénario global en profonde transformation.

 

Le NGEU, s’il est correctement utilisé, pourra constituer un jalon fondamental de la construction européenne, mais la responsabilité des États est plus que jamais sollicitée afin de transformer cette première initiative commune en un succès, une initiative susceptible d’être l’étape préliminaire d’une capacité budgétaire européenne permanente de stabilisation macroéconomique.

Les opportunités pour les États riment avec opportunités pour l’Union

Pour les États, le NGEU est l’opportunité d’utiliser des ressources très substantielles pour renforcer structurellement les systèmes économiques et les placer sur des trajectoires de croissance potentielle plus soutenues. L’objectif du plan est d’augmenter la soutenabilité financière des dépenses engagées en les transformant en potentiel de croissance.

Les États sont tenus d’opérer dans le cadre des priorités identifiées par la Commission européenne, notamment l’innovation digitale, la transition écologique et la cohésion sociale, pour activer et réaliser un processus de convergence européenne. Ce processus se fonde sur un diptyque investissement-réformes, afin de libérer les économies des contraintes structurelles en s’appropriant une lecture partagée des ajustements à mettre en œuvre. L’objectif de ces priorités est aussi de produire des interdépendances et des synergies entre pays, voire de créer de véritables initiatives supranationales capables de générer des externalités positives pour les États impliqués et pour l’UE dans son ensemble.

Ces initiatives pourraient répondre à la demande du Parlement européen de créer une plus ample marge de dépenses pour des biens publics européens. Cette marge a en effet été réduite dans le NGEU, mais aussi dans le Cadre financier pluriannuel (CFP 2021-2027), lors du vote au mois de juillet dernier par le Conseil.
Ces initiatives pourraient aussi donner lieu à des formes de coopération supranationale irréversibles, capables d’accélérer la coordination budgétaire dans le cadre du Semestre européen et même de la dépasser pour constituer le squelette d’une politique budgétaire commune financée par une dette commune.

Les contraintes au service d’une construction stratégique

Les contraintes strictes imposées par la Commission et le Conseil à la dépense des fonds du NGEU doivent s’interpréter favorablement, puisqu’elles visent à garantir une cohérence d’ensemble des stratégies nationales et une plus grande efficacité dans la fourniture de biens publics européens. Il s’agit, en effet, de s’assurer que les schémas économiques dessinés soient en mesure d’incorporer les changements structurels en cours dans l’Union. Il aurait été même souhaitable que les États se soient davantage concertés dans l’établissement des plans nationaux.

 

Le couple investissement-réformes devrait inscrire les plans nationaux de relance dans une sorte de matrice. D’un côté, on croise les réponses nationales avec les recommandations spécifiques adressées par la Commission et le Conseil aux pays dans le cadre de la procédure sur les déséquilibres macro-économiques afin de libérer les économies des contraintes structurelles. De l’autre, on doit combiner les sept priorités politiques définies par l’Union à l’horizon 2027. La contrainte d’un seuil minimum de ressources allouées à l’innovation digitale (20%) et à la transition écologique (37%) permet de respecter les priorités. Pour éviter tout saupoudrage, la Commission suggère d’identifier un nombre limité de grands projets caractérisés par une interaction vertueuse entre réformes, investissement public et incitation à l’investissement privé.

 

Les délais des projets et de la réalisation des programmes sont strictement contrôlés. Si les États peuvent recevoir un préfinancement de 13% lors de l’approbation du plan de relance national, des étapes intermédiaires d’évaluation sur la base de résultats qualitatifs et d’objectifs quantitatifs déterminent l’octroi des tranches d’aide successives (pour un total de deux par an).

Les risques : tous pour un, mais aussi un pour tous

Les États portent la responsabilité de construire une gouvernance capable simultanément de définir et de réaliser les projets individuels, selon les délais, les modalités et les coûts prévus, et de permettre un monitorage conjoint, national et européen. En dépit de la granularité nécessaire au suivi et à la mise en œuvre des projets individuels, la gouvernance se doit d’être politique et de garder un rôle décisionnaire et exécutoire tout en permettant un échange constant avec la régie du NGEU au sein de la Commission européenne (la présidente, les trois vice-présidents et le commissaire à l’Économie).
Cet organe politique doit non seulement mobiliser d’importantes ressources organisationnelles, institutionnelles et financières, mais aussi impliquer les énergies du secteur privé, des territoires et des corps intermédiaires. Il doit donc assurer une mobilisation du système-pays dans un engagement responsable commun autour de l’objectif stratégique de transformation de l’économie.

 

Il s’agit d’une responsabilité collective énorme pouvant conditionner le potentiel de développement des pays, mais aussi du continent. Toutes les forces impliquées joueront donc un rôle fondamental dans le succès ou la faillite du programme européen. Il s’agit de saisir une opportunité et de remporter un défi historique : opportunité et défi qui obligent à une véritable innovation en termes de gouvernance.

 

Paola Monperrus-Veroni, Direction des Études Economiques

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