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L’inflation imprime sa marque sur tout le scénario : il en va de même du resserrement monétaire. Selon l’intensité de la contrainte énergétique imposée par la guerre en Ukraine, selon le rythme prévu de décélération de l’inflation, selon la sévérité de la morsure qu’impose le resserrement monétaire, les économies s’acheminent, à des rythmes variés, vers un ralentissement sensible voire une récession.

En amont du scénario économique, un postulat malheureux mais toujours aussi légitime, que la contre-offensive ukrainienne ne vient pas radicalement modifier : celui d’une guerre russo-ukrainienne intense et d’un processus de paix encore lointain. À l’extérieur, le pouvoir russe est en effet de plus en plus isolé diplomatiquement et voit sa réputation ternie ; à l’intérieur, il est fragilisé par la rupture du contrat social qu’introduit la mobilisation partielle. Mais la Russie ne s’est pas effondrée économiquement.

Qu’elle émane initialement plutôt d’une demande ayant été sur-stimulée (États-Unis notamment) ou d’une offre contrainte par les pénuries d’intrants, puis celle des produits énergétiques (Europe particulièrement), l’inflation imprime sa marque sur tout le scénario : il en va de même du resserrement monétaire. Selon l’intensité de la contrainte énergétique imposée par la guerre en Ukraine, selon le rythme prévu de décélération de l’inflation, selon la sévérité de la morsure qu’impose le resserrement monétaire, les économies s’acheminent à des rythmes variés, vers un ralentissement sensible, voire une récession. Un petit déplacement d’hypothèse suffit à modifier singulièrement les contours du scénario d’inflation et de croissance : de l’espoir d’un peu moins d’inflation américaine permettant d’imaginer un atterrissage en douceur au risque de pénurie avérée de gaz en Europe provoquant une récession plus sévère. Néanmoins, les déséquilibres hérités de la pandémie, essentiellement sous forme d’épargne des ménages toujours abondante et de marché du travail encore robuste, fournissent paradoxalement des amortisseurs : s’ils ne permettent pas d’échapper à une récession, ils permettent d’espérer que son ampleur reste limitée.

Aux États-Unis, après deux trimestres de contraction du PIB ne méritant pas d’être qualifiés officiellement de « récession », la dynamique semble suffisante pour renouer avec une croissance positive – mais modeste – au deuxième semestre 2022. La croissance annuelle devrait ainsi ralentir de 5,7% en 2021 vers 1,7% en 2022. De discrets (marché du travail) à patents (investissement résidentiel), des signes de ralentisse¬ment commencent à se manifester. Initialement prévu au second semestre 2023, le « passage à vide » est susceptible d’être plus précoce et un peu plus prononcé, entraînant une légère récession et une croissance de seulement 0,5% pour l’ensemble de l’année. L’assagissement de la consommation et l’amélioration des chaînes d’approvisionnement suggèrent un repli sensible de l’inflation mais encore lointain (à partir du troisième trimestre 2023). Or, la Federal Reserve a fait du reflux de l’inflation une priorité, estimant préférable d’endurer brièvement une récession plutôt que de subir durablement les conséquences négatives d’une inflation trop élevée. Il est donc peu probable que la Fed infléchisse sa position dès 2023 même en cas de légère récession ; tout comme il est vain de compter sur un quelconque soutien budgétaire. 

En zone euro, notre scénario central se fonde sur l’hypothèse selon laquelle les efforts de diversification des approvisionnements en gaz, ainsi que la réduction volontaire de la consommation, permettraient d’éviter un rationnement « imposé ».


Après avoir été portée au premier semestre par le rebond post-Omicron mais aussi par des mesures publiques d’atténuation de la hausse des prix, la zone euro subit depuis l’été la matérialisation brutale d’une offre bien plus limitée de gaz russe, l’accélération de l’inflation et le resserrement des conditions financières. Notre scénario central se fonde sur l’hypothèse selon laquelle les efforts de diversification des approvision¬nements en gaz, ainsi que la réduction volontaire de la consommation, permettraient d’éviter un rationnement « imposé ». Il suppose néanmoins un recul du PIB au quatrième trimestre 2022, susceptible de se poursuivre au premier trimestre 2023 : essoufflement de la demande, contraintes opérationnelles pesant sur les entreprises (offre plus limitée d’énergie, coûts croissants, conditions financières moins accommo¬dantes) et érosion de la profitabilité. Grâce à un acquis confortable, la croissance pourrait excéder 3% en 2022, mais n’être plus que très faiblement positive en 2023 (0,4%) : un atterrissage en douceur... Douceur toute relative qui masque l’ampleur de la décélération et une croissance du PIB excédant 5% sur un an début 2022 pour devenir légèrement négative mi-2023. Malgré un prix du gaz plus élevé, ce scénario suppose une baisse de l’inflation moyenne en 2023 (à 6,7%, après 8,3% en 2022) : l’inflation ampute la demande et finit par apaiser les tensions sur les prix. Or, affaiblir l’activité afin d’étouffer les pressions inflationnistes sur les services et les biens non énergétiques, c’est également ce que vise la Banque centrale européenne. Enfin, les contours d’un scénario d’atterrissage plus brutal en 2023 sont faciles à tracer : on déplace seulement un peu les hypothèses « énergétiques », l’inflation reste élevée et le PIB baisse de 0,6%.

Du côté de la constellation des pays émergents, les obstacles (inflation, resserrement monétaire local et mondial, ralentissement de la demande externe, marge de manœuvre budgétaire épuisée, risques géopolitiques) n’ont pas la même hauteur selon les pays, mais ils se dressent et pèsent sur la croissance. En Chine, en particulier, la politique du zéro-Covid, le ralentissement du secteur immobilier, le freinage prévisible des exportations suggèrent des perfor¬mances médiocres. Et les déséquilibres (endettement interne excessif) dont on redoute les conséquences à « moyen terme » finissent par se matérialiser et handicapent la réponse des décideurs politiques chinois, réticents à adopter des plans de relance à grande échelle.

Les resserrements monétaires ont pris une tournure plus agressive. Plus élevée, plus généralisée, plus durable : l’inflation résiste. Et sa réduction constitue actuellement l’unique priorité des grandes banques centrales aux dépens possibles de la croissance. Sans même développer de scénario d’entêtement monétaire, il est difficile d’envisager un assouplissement précoce, dès 2023. Notre scénario table sur un taux des Fed funds à 4% fin 2022, une prévision entourée de risques haussiers, puis à 4,25%, un « haut plateau » atteint en au premier trimestre 2023. Convertie récemment au resserrement, la BCE devrait poursuivre ses hausses de taux au moins jusqu’au début de 2023 portant ainsi le taux de dépôt à 2% fin 2022, en ligne avec les estimations de taux neutre, puis à 2,25% en février. La priorité accordée à la lutte contre l’inflation, récente et délicate dans la zone euro ou déjà « ancienne » aux États-Unis, conduit donc les taux directeurs à s’approcher de la neutralité, voire à déjà s’aventurer en territoire restrictif.

En sympathie avec les taux courts, les taux obligataires souverains se redressent mais, lestées par des perspectives de croissance maussade, les courbes de taux d’intérêt s’inversent. Notre scénario retient des taux à 10 ans américain et allemand à respectivement 3,70% et 1,90% fin 2022 (3,35% et 1,90% fin 2023) alors que, dans la zone euro, le cycle de resserrement de la BCE peut se poursuivre sans créer de tension importante sur les titres périphériques (introduction de l’IPT, instrument de protection de la transmission, dont la BCE espère ne pas avoir à se servir, déplacement des titres d’État européens du cœur vers la périphérie, à mesure que ceux-ci arrivent à maturité dans le PEPP et doivent être réinvestis). Enfin, le dollar « continue de sourire ». Ses facteurs de soutien, devise sûre et qui plus est à rendement actuellement élevé, ne s’effriteront pas à brève échéance. Il faudra patienter avant que sa surévaluation ne soit manifeste et que d’autres devises ne retrouvent plus d’attrait : des devises refuges alternatives en cas d’effondrement de la croissance, des devises plus pro-cycliques en cas d’atterrissage en douceur.

Consulter notre publication : Monde – Scénario macro-économique 2022-2023 : l'horizon ? Sombre mais surtout incertain – 5 octobre 2022

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